L'Abeille

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Soudan - Port Soudan - 21 janvier 2025

Trois "Allahu Akbar" sèment le doute quant à la destination finale de mon avion. Vais-je réellement a Port Soudan ou dois je envisager que le paradis va m’ouvrir très prochainement ses portes ? Pendant que le vieux Boeing, aux sièges bancals et à la peinture écaillée, prend son envol sur la piste de Kampala, (Ouganda) le pilote prie publiquement, a travers son micro, et nous ne sommes que quelques-uns a nous regarder avec un voile d’angoisse au fond des yeux.

 

Cette première question se résout d’elle, quand,  après quelques heures de vol, et alors  que la nuit s'installe autour de la carlingue, l’avion se pose violemment, en raison, je l'imagine, d'une piste peu visible, tant les projecteurs chargés de guider les avions sont fatigués, oxydés ou simplement manquants. Mais on y arrive !

Et alors que l'appareil rejoint le parking, on devine un simple bâtiment blanc, décrépi où règne une atmosphère chaude et moite, si typique de ces parties du monde. On traverse à pied les derniers mètres qui séparent l'avion des guichets des douaniers soudanais, tandis que les bagages sont jetés sur des chariots sans âge tirés par des bras de pauvres âmes. Les quelques tracteurs traditionnellement utilisés, n'étant plus capables d'assumer leur charge quotidienne.

 

Une armée de soldats, douaniers et autres agents plus ou moins secrets nous attendent. Si le temps est parfois long

car il faut montrer patte blanche à bien des personnes, se faire scanner les bagages plusieurs fois pour s'assurer que ni arme ni alcool ne pénètrent par nos valises, on finit par sortir sur un parvis où moustiques et porteurs se disputent l'attention des voyageurs dans un vacarme raisonnable. 

 

Après quelques check-points additionnels, où tanks et mitrailleuses sont aussi fatigués que ceux qui les portent, tant les nuits sans sommeil sont récurrentes, nous  voici  dans une ville naissante. Un souffle nouveau s'empare de Port Soudan. Autrefois oubliée de tous, depuis que la guerre a éclaté il y a bientôt deux ans et que Khartoum - l’épicentre traditionnel- souffre de combats sans fin, Port Soudan se veut être la nouvelle capitale.

 

En quelques minutes pauvres et riches ont repris possession des lieux. Des immeubles sortent de terre, les prix de l'immobilier ont explosé, les habitants de toujours sont poussés vers les faubourgs, le palais présidentiel se refait une beauté, les hôtels s'engraissent, des restaurants de toutes sortes et  à tous les prix se créent…La population apprend quant à elle  ce que "bouchon" veut dire car le nombre de voitures surpasse la capacité des routes. Et un peu partout, de nombreux camps, faits de branches et  de bâches,  abritant des centaines de milliers de personnes  ayant fui des atrocités qui ne s'arrêtent toujours pas, n’ayant rien, s’installent la ou il y a du vide..

 

Impossible de stopper cette frénésie d'une ville profitant de la situation catastrophique de tout un pays.

Ni la poussière du désert, ni la chaleur accablante, ni les milliers de mouches et moustiques qui envahissent chaque parcelle de peau disponible ne pourront arrêter cette marche vers ce que beaucoup appelleraient la modernisation. 

 

Et pourtant, qu’elle semble loin cette guerre. Quand le soir, le long des avenues des milliers de badauds s’installent pour boire un the, fumer une chicha, commenter l’actualité de ce conflit, on a l’impression que rien ne se passe, alors qu’a quelques heures de route, les combats font rage.

Quelquefois, en journée ou en soirée, des convois s’improviseent, ou, au chant des klaxons et des youyous, on fête une victoire et l’on se prend a croire que l’on pourra rejoindre, Khartoum, revoir la ou les deux Nils s’enlacent tres bientot

 

Un pays meurtri, ou chacun subit, mais qui entraine immédiatement une volonté de le découvrir.

 

A bientôt

 

L’Abeille



31/01/2025
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