L'Abeille

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Tchad – 1 – 17 septembre 2010

Petite mission très brève (un petit mois) au Tchad, dans la partie est du pays dans une ville qu’on nomme Abêché, à quelques kilomètres de la frontière soudanaise.

 

Mais commençons par le commencement. Un avion qui doit s’y reprendre à deux fois pour atterrir en pleine nuit sur une piste illuminée au milieu d’un immense désert noir, où seules quelques sporadiques lumières permettent de déceler une présence humaine. Un hall d’aéroport où la chaleur est édifiante, où les moustiques tournent en nuées immenses autour des quelques néons éclairant d’une lumière blafarde les visages appliqués des douaniers, qui, a raison de cinq minutes par passeport, font suer (et c’est peu de le dire) les nouveaux entrants qui piétinent les cadavres d’insectes trop aventureux. Car ces derniers, en se frottant au contact humain, n’ont reçu qu’une claque, leur donnant comme dernière demeure un carrelage autrefois blanc. Quelques criquets aussi gros qu’un majeur de basketteur dépérissent également et une maigre climatisation s’essouffle à disséminer un air passablement tiède dans un hall où chaque parole « épuise » un peu plus son auteur.

 

La douane passée, il faut ensuite s’inscrire à la police par l’intermédiaire d’une grande feuille A4, sur laquelle les questions sont tellement nombreuses qu’il faut faire attention à bien suivre les lignes pour éviter de devoir tout recommencer car aucune rature ou autre n’est tolérée. On y retrouve des questions qui font sourire en ne manquant pas de rappeler la diversité culturelle qui fait l’Afrique. On me demande entre autre de quelle secte je fais parti, combien d’enfants a mon père (mais rien sur ma mère) et tout un tas d’autres questions qui transforment cette paperasse administrative en une véritable introspection.

 

Petit détail important. Je ne suis pour l’instant qu’à N’Djamena, capitale de ce pays situé en plein centre de l’Afrique, en attente d’une autorisation de circuler pour pouvoir rejoindre Abêché.

 

Première impression : il fait chaud, très chaud. Nous sommes en pleine saison des pluies et le thermomètre flirte dans la journée avec les 38 degrés d’une chaleur pesante et humide. Mais apparemment, ce n’est rien en comparaison des 50 degrés qu’on obtient très régulièrement en avril/mai ici. Quelques routes bitumées parcourues d’innombrables Peugeot 504 ou Toyota sans âge laissent rapidement la place à des rues de terre remplies d’eau et d’ornières.

 

Sur les murs des maisons, des centaines de lézards aux allures et couleurs préhistoriques, aussi longs que mon avant-bras, passent leurs journées à profiter du soleil, à fuir dès qu’un visiteur un peu trop curieux s’approche. Quand il ne pleut pas, l’air est imprégné de milliers de libellules donnant l’impression par moment de se retrouver au fond des océans à contempler des bancs de poissons volants. Quant à la nuit, la moindre lumière crée des nuages opaques de moustiques qu’il est impossible de traverser sans se protéger, les seuls vrais espaces de tranquillité restant les lits, où, allongé tranquillement sous la moustiquaire, on s’amuse à regarder les insectes cherchant à se frayer un passage à travers ce filet géant.

 

Mais, très rapidement, on se retrouve bercé par cette ambiance si typique, ces mélanges de couleurs et cette atmosphère unique qu’on ne retrouve que dans cette partie du globe. Le sourire est immédiat dès que les rencontres se font et le moindre achat reste toujours un véritable moment de bonheur. Ne serait-ce que pour acheter une carte SIM local, chacun met en avant le numéro de téléphone en me disant que celui qu’il propose est le meilleur, qu’il me portera chance et que beaucoup de gens vont m’appeler. Bien sûr, plus le numéro est facile à retenir, plus il est cher. La monnaie locale est le franc CFA et, pour la conversion, rien de très compliqué : c’est comme si l’on parlait en ancien franc (pas ceux précédant l’euro mais ceux de nos grands-parents). Ça demande une petite gymnastique intellectuelle pas si désagréable.

 

Le pays est dit laïc. Des multitudes de religions s’y croisent avec, pour dominantes, l’islam et le catholicisme. Mais, point commun de tous, dès qu’une fête religieuse a lieu, alors c’est le pays entier qui en profite. Pour l’Aïd, tout le monde, non content de bénéficier en plus d’un jour férié, va se retrouver le soir pour danser et fêter la fin du jeûne. Les quelques catholiques que j’ai croisés depuis mon arrivée sont ravis de pouvoir aller danser avec leurs copains musulmans, pour pouvoir picoler tous ensemble (sans commentaires !).

 

N’Djamena est faite de maison de terre, de briques non peintes, toutes à un étage, à l’exception des ministères et quelques rares hôtels chics. Une atmosphère chargée de sable et de soleil dissémine une lumière blanche dans les rues. À chaque coin, des groupes d’une dizaine de femmes en tenue locale et gilet jaune fluo balaient inlassablement le macadam. Sur les terrains vagues encerclant la ville, on trouve bien évidement des terrains de foot, mais également des 4L équipées d’un gros panneau auto-école, où les apprentis apprennent à tourner et accélérer autour de billot de bois, pendant que les moniteurs, en dehors des véhicules, hurlent leurs consignes à plusieurs voitures en même temps.

 

Sur le marché central, sorte de citadelle où s’ouvrent de grandes portes situées à chaque point cardinal, on y trouve bien sûr tous les produits alimentaires classiques (fruits et légumes, viandes et poissons), ainsi que tout ce qui permet de se vêtir, se chausser, transporter (bagages et autres), dans des teintes et qualités, disons… discutables. Ici, tout ce qui n’est pas naturel est importé du Niger principalement, qui lui-même importe de Chine. Les passants déambulent tranquillement au milieu des étales, offrant parfois l’étrange image d’une femme sous son niqab suivie par une autre aux épaules et bras nus, des touaregs habillés de leur chèche y croisent les boubous colorés aux motifs « recherchés ». Point de choc des cultures. Tout paraît normal. Dans les rues, on s’interpelle en français (langue officielle), en arabe ou en sahara. Quant aux panneaux publics, le français y côtois également l’arabe renforçant un peu plus cette impression de carrefour des civilisations.

 

Le pays compte près de 180 ethnies qui se sont toutes donné rendez vous dans cette mégalopole où elles cohabitent sans haine. Ça ne semble pas être le cas ailleurs, où les guerres claniques, les différents groupes politiques et autres factions déchirent certaines zones malgré une apparente volonté du gouvernement de vouloir se renforcer considérablement en profitant de l’argent du pétrole récemment exploité pour parvenir à ses fins.

 

Sur ces quelques mots, je vous laisse et repart vers la découverte de ce qu’il va m’être donné de voir pendant ce bref passage.

 

À bientôt,

 

L’Abeille



17/09/2010
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