L'Abeille

L'Abeille

Djibouti - 1 avril 2022

Dans cette partie du pays, même les pierres souffrent du climat. Le soleil se noie dans la terre, ou peut-être est-ce l’inverse. Il n’y a plus de limites et l’horizon se regarde de haut en bas.

 

Après avoir serpenté au milieu d’innombrables canyons aux falaises acérées, après avoir quitté la fraicheur relative créée par des rochers empêchant le soleil de pénétrer au plus profond de ces gorges de pierres, après avoir profité de la verdure offerte par quelques acacias s’accrochant comme il le peuvent afin de ne pas tomber, apparaissent des plateaux de sables et de roches ou toute vie semblerait impossible. Le long du serpent d’asphalte, construit par un empire asiatique avide de vendre ses bibelots à tous, transperce l’apparente brutalité de ce décor, ou en toute contradiction, la vie se dessine. Au loin, ici et là, une caravane de dromadaires guidées par des hommes et femmes aux physiques aussi durs et secs que leur environnement, semble se diriger vers un amer invisible, escortée de centaines de bœufs, chèvres et moutons. Là, ce sont des autruches picorant de trop rares brins de végétations. Ici, des gazelles détalent, rebondissant sur des jambes de verres dont on croit qu’à chaque mouvement elles vont se briser, au sol, les traces ne laissent aucun doute quant à la présence de serpents coursant quelques mulots. La vie à cela d’étonnant qu’elle sait s’installer là où elle paraît impossible.

 

Après quelques heures à sillonner ce désert à la recherche d’âmes sédentaires, sorti de nulle part, et sans que l’on n’en connaisse la raison, des huttes aux pierres noires cassent la monotonie de la ligne d’horizon. On les appelle ici des toukouls. Quelques adultes, beaucoup d’enfants, un dispensaire, et une école et quelques carcasses rouillées, donnent l’impression qu’y vivre serait presque une formalité. L’eau, extraite des grands fonds du désert, doit d’abord refroidir avant d’être transporté par des ânes aussi courageux que belliqueux. A plus de 80°, on pourrait y faire cuir ses pâtes sur place, encore faudrait-il qu’un commerce existe pour en vendre.

 

Les échanges sont courts tant chaque muscle souffre dès qu’il est sollicité. Composées de mille couleurs, et malgré un léger dépôt poussiéreux que les vents ne cessent de déposer, les tenues des femmes cassent la monotonie visuelle qui habite ces bouts du monde. Malgré leurs tenues traditionnelles les couvrant de la tête au pied du regard de tous, la chaleur ne semble pas les concerner, et ce malgré les multiples tâches que, comme dans bien d’autres parties du globe, elles assument. Les hommes quant à eux, culturellement moins sollicités, mais tout aussi vaillants, transpirent rapidement dès que l’effort se fait sentir. C’est toujours un paradoxe que de voir que ceux que la nature a doté d’une supposée force physique paraissent souffrir plus que celles dont la discrétion est inversement proportionnelle aux efforts fournis.

 

Derrière ces montagnes, paraît-il que l’Éthiopie commence. Mais pourquoi parler de frontière quand on ne possède pas de passeport. Certes il y a bien ces gros camions qui semblent s’arrêter sur la route, et montrer un bout de papier pour avancer vers un autre inconnu, mais ici, on ne se pose pas ces questions. On va simplement voir ses voisins, sa tribu, sa famille qui habite de l’autre côté. Si la lumière du soleil est la même pour tous, nullement besoin de se tracasser a la scinder en de petits spectres administratifs, dirigés par des personnes habitant loin et comprenant ce qui est vécu ici.

 

Balho, c’est le nom de ce village, peut-être de cette région aussi hostile, impressionnante qu’empreinte de dignité.

 

A bientôt

 

L’Abeille

 



01/04/2022
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