Djibouti - 14 janvier 2022
La lumière jaunâtre d’un lampadaire révèle un attroupement de personnes formant un cercle autour d’un terrain qui ne semble exister que dans l’imaginaire de chacun. Des acclamations, applaudissements et quelques doux sobriquets s’ajoutent à des claquements métalliques, tandis que le sol bien trop meuble vibre de poids le heurtant à intervalles irréguliers. Scène étrange que l’on ne comprend qu’en fendant la foule pour observer des hommes, les pieds tanqués sur un sol mi poussiéreux, mi bétonné. Qui aurait imaginé qu’ici, à Djibouti, la pétanque y est pratiquée de manière intensive, parfois fusionnelle. Et pourtant l’évidence est là. Dans ce chaud petit pays, aux consonances, africaines, arabes et parfois occidentales, tous les soirs, partout en ville, on use de la boule. L’après-midi on Kat, le soir on joue.
Kat ? Vous avez dit Kat ? N’est pas cette plante que certains considèrent comme un psychotrope ? Pourtant, tous les après-midis qu’Allah fait, partout en ville, dans les villes, dans les villages de petits groupes de personnes, principalement des hommes se réunissent et broutent. Pour se retrouver, il faut trouver un endroit un peu ombragé, amener son carton pour ne pas salir sa futa (habit masculin traditionnel) et mâcher cette plante, laisser la substance imprégner les gencives, jaunir les dents, parler parfois, et se laisser bercer. Brouter permet d’absorber le temps qui passe, d’oublier, pendant certaines saisons la chaleur qui empêche le moindre mouvement, et de socialement se trouver, se retrouver. IL est intéressant de voir comment de petites feuilles venant quotidiennement d’Éthiopie divertissent, parfois assagissent tout un peuple. C’est là un des instants forts que rien ne devrait savoir changer.
Petit pays à la réputation chaude et pierreuse, Djibouti surprend par ce que l’on y découvre et ressens. Certes, on doit faire abstraction pendant cinq mois de l’année d’une chaleur qui dépasse l’imaginaire, ou le moindre mouvement se traduit par l’apparition de grosses gouttes de sueur. On doit oublier pendant les sept autres mois moustiques et mouches qui aiment voler d’un hôte à un autre. On ne doit pas voir les milliers de plastiques jetés négligemment partout, en raison de l’absence de système de gestion de déchets, et, l’on doit ignorer ces vieux tacots rejetant une fumée si noire que le soleil ne saurait la pénétrer. Faire avec est une nécessité qui permet de considérer d’un autre œil tout ce que Djibouti a à offrir, à commencer par une douceur de vivre et une gentillesse proportionnelle à la chaleur. En dehors du comportement international qui précise que lorsque l’on conduit une voiture, on est tout en haut de la pyramide du pouvoir, le reste des instants se caractérisent par des sourires et une nonchalance des plus agréables. Tout le monde connaît tout le monde, tout le monde se tolère, Hommes et animaux y cohabitent pacifiquement.
A cela s’ajoute des paysages époustouflants mélangeant déserts de roches aux milles couleurs, plages aux centaines de bleus et turquoises, sables aux jaunes et blancs infinis. Dès que l’on sort de Djibouti ville, les éléments nous frappent par leur sérénité. Ils semblent immuables, intouchables. On se sait si les montagnes se jettent dans la mer, ou au contraire si la mer à arrêté ces dernières trop aventureuses de la coloniser. Tous si différents, et pourtant tous ne font qu’un.
Il y a tellement à dire, à faire, à voir.
A bientôt
L'Abeille
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