L'Abeille

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Madagascar – 12 mars 2016 – Antananarivo

Je pourrais commencer ces quelques lignes par une citation d’Aznavour : « Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil ». Dans cette immense cité, où qu’on regarde, la pauvreté s’affiche, sans honte ni condescendance, et est omniprésente. Mais ce qui est frappant, c’est que cette dernière est faite de sourires et de chaleur. Qu’on soit une adolescente, enceinte, à moitié endormie sur le trottoir afin de passer le temps, une mère de famille aux enfants cul-nu, car les fripes sont trop chères, qu’on erre dans son fauteuil roulant, sans but, en luttant contre la topographie de la ville, pas un moment, la rancune, la rancœur ou l’animosité ne semblent animer l’âme de chacun. Et, aux dires de tous, cette descente vers les abysses de la pauvreté n’est pas près de s’arrêter. Signe des temps d’un pays qui sombre : les pieds… Autrefois, tous, ou presque, avaient des chaussures. Aujourd’hui, on marche pieds nus ou, quand cela est possible, en flip-flop.

 

Bien sûr, comme partout ailleurs, les contrastes sont de plus en plus importants. Les classes élevées affichent leurs succès (ou autres) sans honte, les étrangers semblent affluer de partout, attirer par une aventure facile et peu chère cherchant à écrire leur histoire, tandis que les touristes, guides à la main, parcourent une ville à l’architecture étonnante. Ici, les maisons de briques rouges rappellent les banlieues du Nord de la France, les rues pavées font penser à Paris, alors que les villas habillant les collines nous transportent à Cannes. Mélange étonnant de faune et de flore où, là encore, une certaine harmonie semble régner, bien qu’elle soit difficile à analyser. En parcourant les ruelles, l’agitation disparaît, les discussions sont agitées sur les pas de portes, de nombreuses maisons closes se dévoilent, d’où sortent quelques touristes beaucoup trop vieux pour des filles beaucoup trop jeunes, malgré les notices disposées en tous coins de la ville. Ce ballet s’affichant au grand jour toutes les nuits, des dizaines de filles, en quête d’une vie meilleure ou de quelques sous, se jettent sans concession sur tout étranger. L’abus en devient alors facile…

 

Antananarivo est également un saut dans le temps. Toutes les voitures roulantes font pensées aux années 80. 2CV, 4L, 205 et autres sont légions car l’absence d’électronique favorise la durée dans le temps. Les boutiques d’électroménager n’affichent là encore que des appareils que nous qualifierions de vétuste, les machines à écrire continuent de se vendre et la logique du « on répare » plutôt que « on remplace » est solidement ancrée. Tout se fait dans la rue : un coffre ouvert est une boutique, un trottoir un lieu de réparation, un escalier un présentoir. Aucun espace perdu, seul les voitures et camionnettes se fraient un passage, n’hésitant pas à bousculer les charrettes à traction humaine pour gagner quelques minutes.

 

Un monde étonnant, qui ne demande qu’à être découvert, tout en assumant ne pas pouvoir changer ce monde mais, parfois, améliorer quelques quotidiens.

 

L’Abeille



12/03/2016
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