L'Abeille

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Philippines – 28 décembre 2013 – Tacloban

Sensation étrange que d’évoluer au sein d'une ville qui fut, il n'y a pas si longtemps encore, le carrefour économique des Visayas mais qui, aujourd'hui, ressemble encore pas trop d'aspects à une ville-fantôme. Les ordures s'entassent partout, nombres de magasins ont encore leur rideau baissé et d’innombrables maisons restent encore à reconstruire.

 

Et, pourtant, tout s'agite, tout vit, la culture et le besoin d'oublier semblant reprendre le pas sur les urgences, sur ce qu'on pourrait appeler les besoins primaires. Nous sommes en pleine période de fêtes dans un pays hautement catholique et c'est aujourd'hui, semble-t-il, une priorité pour tous. Quelques grands centres commerciaux ont fait quelques efforts de nettoyage, ouvrant et vendant a faible coût tous les produits endommagés par la vague qui a ravagé la ville ; on se bat (et le mot est bien choisi) pour acheter sa bûche de Noël auprès des deux boutiques qui ont rouvert pour l'occasion... Dès 4 h du matin, l’église voisine s'agite aux chants des fidèles qui s’égosillent, accompagnés d'un orgue aux sonorités quelque peu arrangées, alors que porcelets et cochons crient autant que possible avant que leur dernier souffle ne soit effectif. On ressort du garage les voitures qui semblent être bien plus importantes que le reste. On vérifie si les enceintes ultra-puissantes qui envahissent le coffre marchent bien (en général au doux son de la voix d'une certaine Céline Dion), si les vitres teintées n'ont pas été trop endommagées et si tous les néons intérieurs et extérieurs fonctionnent encore. Bien sûr, pour faire cela, on se réunit entre copains autour de bières et l'on cherche des solutions peu coûteuses pour rafistoler la peinture noire mate empruntée à un avion de chasse soviétique.

 

Dans les campagnes, même si les moyens sont inférieurs, la dynamique est la même. On ne peut oublier le bruit des tronçonneuses, découpant par centaines les troncs de cocotiers, autrefois gagne-pains, aujourd'hui obstacles sur les routes, qu'il faut découper et essayer d'en tirer le meilleur parti afin de reconstruire tant bien que mal sa maison, son abri. Les marteaux chantent également, rythmant les heures, les minutes et tout le monde s'agite ici et là, avec ou sans but. Mais Noël reste une fois de plus la principale préoccupation. Le réveil sera peut-être dur, mais sûrement plus doux qu'au lendemain du typhon, où vies et avenirs se sont vus disséminés par le souffle de celui que nous appelons Yolanda.

 

Un peu partout, les ouvriers s'agitent, essayant de remettre en place des câbles électriques, de colmater les nombreuses fuites d'eaux, de fournir quelques services essentiels, mais les décisions sont également ralenties car dirigeants, officiels et humanitaires ont déserté la région pour quelques temps, ce qui bien sûr permet de relativiser la notion d'urgence qu'on peut vouloir donner à une situation telle que celle-ci, ainsi que le sérieux des discours et autres messages d'alertes. La situation sera traitée une fois seulement la dinde digérée.

 

Mais, rassurez-vous, dans cet univers où il est parfois compliqué de comprendre quelque chose, je ne vaux guère mieux. Des ravitaillements imprévus, du passage, un zeste de musique et quelques cadeaux à 0,50 euros permettent de profiter également d'une soirée que j'ai imaginée pluvieuse et froide en France, alors que, de mon côté, le jeu consistait principalement à tuer le plus de moustiques qui cherchaient à grappiller quelques gouttes de sang sur mollets et bras dégarnis.

 

Quelques photos ajoutées.

 

À bientôt,

 

L'Abeille



28/12/2013
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