Djibouti - 25 juillet 2022
Paraît-il qu’il fait chaud à Djibouti. Paraît-il que le climat est insoutenable et que la respiration y est compliquée. Et pourtant l’Homme y vit. Certains diront qu’il y survit… Il est exact que si les cailloux s’exportaient, les membres de l’OPEP feraient grise mine au regard du potentiel rocheux de cette langue de terre. Il est aussi exact que la terre y est principalement sableuse et poussiéreuse, à tel point que chacun et chacune redoute l’arrivée des mois de juillet et aout, ou un vent que l’on appelle le khamsin ensevelit tout ce qu’il effleure se son souffle chaud, sous un châle ocre. Tout y passe. Les maisons jaunissent, les voitures vieillissent, les Hommes subissent, les villes et les vies ralentissent, Les dos s’arrondissent, le temps se suspend, et seuls quelques fous, souvent venus d’ailleurs y voient une opportunité de se lancer dans des sports aquatiques ou le vent est l’unique moteur. Même les moustiques semblent avoir fui.
Mais qu’on le veuille ou non, tout cela contribue à une atmosphère presque chaleureuse. Le temps s’écoule au rythme des degrés qui ondulent tout au long des jours et nuits. Même le khat et les « khateurs » s’adapte. Ce moment, ou mouvement social, commence plus tard dans la journée, quand le soleil dessine enfin des ombres hospitalières. Alors le rituel peut commencer. On ouvre un petit sac en plastique acheté par l’un des membres du groupe, on exhibe ces branches, qui, il y a moins de 24 heures étaient encore raccrochées a des plants dans les confins de l’Éthiopie, on épluche méticuleusement les feuilles, on en fait des boules que l’on cale sous la joue, puis l’on broute, encore et encore. Pour assaisonner (je ne saurais si le mot est le bon) on y associe du coca cola. La combinaison est paraît-il parfaite.
Il n’en faut pas plus pour qu’après quelques temps ; lorsque certains reprennent « une vie normale » tout paraît distant, différent. Les yeux rouges des chauffeurs de taxi semblent diminuer leurs capacités à anticiper les mouvements des autres véhicules, les gardiens se lèvent plus difficilement. On ne saurait dire si les ouvriers accélèrent ou ralentissent leurs mouvements, mais les résultats sont discutables tant que les effets sont là. Psychotrope puissant, en revanche personne ne s’endort. Certains qualifient ces moments d’état catatonique, mais il faut reconnaître que socialement l’impact est là. Point de téléphone pour « Whatsapper » ou « Facebooker », on se parle ! on passe un moment ensemble !
Cette période est aussi propice à quelques rares pluies. Alors tout s’assombrit. Le tonnerre annonce ce qui est qualifié de beau temps. Un rideau d’eau s’abat, aussi violent et intense que lors de tempêtes tropicales. L’eau, si inconnue, submerge des rues dépourvues de caniveaux, la boue s’épand là ou l’asphalte n’existe pas. Pour quelques heures ou quelques jours, la poussière se fige. La circulation se bloque, les conducteurs sont désorientés. On pourrait avoir l’impression de se retrouver à Paris quand quelques millimètres de neige recouvrent la chaussée. Bien que de plus en plus rares, ces trombes salvatrices reverdissent immédiatement des paysages qui ne savaient plus que faire pour exister. Camélidés, ovidés et bovidés (…) se ruent sur cette éphémère pitance, surement plus agréable que les mets faits habituellement d’herbes sèche et de plastique.
Gainsbourg et Birkin pourrait y chanter « je t’aime, moi non plus ». Si dur vu de l’extérieur, si intense et attachant vu de l’intérieur, l’été à Djibouti nous heurte et parfois nous violente, mais surtout s’apprécie et se ressent comme un moment intense et unique.
A bientôt
L’Abeille
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