L'Abeille

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Soudan - Kassala - 9 avril 2025

Le soleil se couche, la vie se réveille. Ainsi le ramadan rythme le quotidien de chacun. Alors qu’une certaine létargie caractérise le jour, à l’approche de l’obscurité (synonyme d’Iftar) le monde vit, revit. Partout d’immenses nattes s’installent devant les maisons, les voisins se regroupent, apportant un plat ou une boisson. Et lorsque l’astre solaire daigne enfin disparaitre, que le chant du Muezzin raisonne au delà de l’horizon, c’est un silence religieux qui envahit l’espace pendant que chacun, doucement, enfin se désaltère et se rassasie suivant un protocole bien établi. Tout le monde est invité à ce moment de partage. Les frontières sociales n’existent plus. Les uns et les autres  contribuent  avec ce qu’ils peuvent, et quand on ne peut pas, on est quand même Bienvenu. Cultures, religions et traditions continuent cependant de séparer hommes et femmes, ces dernières ne célébrant que dans l’enceinte de leur maison.

 

 Et plus les corps se repaissent, plus les esprits s’animent. La nuit devient jour. Les magasins s’ouvrent, les voitures ressurgissent et la vie reprend ses droits. On compte le nombre de jours rapprochant de l’Aid al Fitr. Mais ce décompte n’est pas uniquement mathématique. Il est aussi comptable. Pendant cette période, tout coûte cher, plus cher. La demande est telle que les commercants s’enrichissent sans aucune retenue. Il faut acheter à manger, nourrir beaucoup plus que d’habitude, et être prêt à parer et à se parer de nouveaux habits pour la “fête finale”. On appréhende en fait et on anticipe le grand Aid (al Adha), où il faudra alors acheter un mouton. Là encore, l’implacable logique économique se veut pire que l’évolution actuelle des droits de douane, car de la taille du mouton dépend son propre prestige.

 

A Kassala, alors que la ville se démarque par deux immenses champignons de pierre sortis de nulle part, le bétail afflue quotidiennement.Les troupeaux de vaches côtoient ceux de chèvres et de moutons, des chameliers les dirigent et les escortent dans les dédales de rues, et alors que pour l’oeil novice il semble impossible de comprendre comment personne ne se perd ni se mélange, il parait tout naturel pour bêtes et hommes que ce qui est à moi n’est pas à toi, et qu’un mouton ne quitte jamais ses copains. Cependant, alors que le jour se lève et que la fraicheur préserve les corps, un peu partout des marchés aux bestiaux s’improvisent et les palabres vont bon train pour acquérir puis revendre les plus belles bêtes. Si Aid est un point culminant des ventes, les grandes villes ont toujours besoin de plus et plus de viandes, pour nourrir une population qui a quotidiennement besoin de chair animale, comme un fumeur de sa cigarette. Certes, on trouve, suivant les régions fruits et légumes, mais ils ne sont que des accompagnements chargés de mettre un peu de couleur dans les assiettes.

 

En éliminant toute considération financière, on ne peut qu’apprécier la cohésion sociale qui résulte de ces moments de partage. Peut-être un peu comme en France ou ailleurs, les cafés de proximité ont joue, continuent de tisser un lien social. Des lieux où tout le monde peut s’inviter, se parler et se connaitre. Car si les telephones mobiles ne sont pas bannis, ils se trouvent naturellement relègués dans les poches, au profit de discussions ou de silences évocateurs d’un pays en guerre, où les nouvelles du front font la pluie et le beau temps.

 

Quelques photos ajoutées.

 

A bientôt

 

L’Abeille

 



05/05/2025
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