L'Abeille

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Afghanistan – 1 – 8 avril 2009

Ça y est, c’est parti pour l’Afghanistan.

 

Après des mois de tergiversations, de questions, d’hésitations, la pièce est décidée et le premier acte joué.

 

Me voilà parti pour l’Afghanistan pour un an minimum (Inch'Allah). Première étape : Dubaï... Quelle étrange impression que de se poser au milieu de rien et d’arriver dans un espace où il y a tout. Le terminal n° 3 flambant neuf se dresse, imposant et clinquant, à la frontière de la mer et du désert. D’un côté, la grande bleue se retrouve noyée sous des dizaines de paquebots attendant patiemment leur tour pour y être vidés ou au contraire gavés, tandis que, de l’autre côté, le désert s’étend sans fin vers une ligne d’horizon, se perdant dans une épaisse brume de poussière. Seules les tours et les grues construisant ce nouvel empire assurent la démarcation de ces deux univers.

 

En franchissant la passerelle de l’avion, on se retrouve perdu au milieu de colonnes cintrées de miroir, à marcher sur un sol lustré à faire pâlir de jalousie les meilleures maîtresses de maisons, entouré de cascades d’eau qui donnent un semblant de fraîcheur à un hall rivalisant en hauteur avec les plus somptueux palais qu’il m'a été donné de voir. Une horde de douaniers, en chemise et bonnet de nuit blancs (pardon, en djellaba et chèche) pour les hommes, et tenue sobre et noire pour les femmes, accueillent les passagers et, après un coup de tampon sur notre passeport, nous laissent voguer dans les différentes allées de ce mastodonte de ciment. Le duty free reste la seule et unique attraction de l’aéroport mais celui-ci est digne de nos galeries Lafayette, tant par sa taille que par la diversité des produits.

 

Pour rejoindre Kaboul, il faut ensuite changer de terminal pour se diriger vers le terminal n° 2 (nettement moins classe), ne desservant que des destinations qui font rêver : Irak, Pakistan... et Afghanistan. Enfin !!! Dans l’avion pour Kaboul, on y trouve de tout, des Afghans qui rentrent chez eux chargés comme une 404 et qui font la traversée du Maroc, des humanitaires au look plus que ravageur (même un soixante-huitard passerait pour branchouille), des mercenaires venus glaner quelques milliers de dollars, mais aucun touriste (ben pourquoi ???). Quelques heures plus tard, on se pose sur l’aéroport de Kaboul, et là, la magie opère. On oublie, dès la descente de l’avion, les cargos noirs de l’US Air Force, les hélicoptères de combat et de transport, les militaires tous les 40 centimètres, pour un décor comme on n’en voit peu... Situé au creux d’une cuvette, l’aéroport est ceinturé de sommets, revêtus d'un épais manteau blanc tranchant sur un ciel d’un bleu parfait. Pas un nuage à l’horizon, les flancs non enneigés de certaines montagnes sont d’une aridité extrême, de couleur quasi noire, ce qui donne une ampleur à ce décor pouvant laisser sans nom ceux qui « ont tout vu et tout fait ».On a l'impression pendant quelques instants d’être Ouroz (cf. Kessel, Les Cavaliers). Et, bien que Kaboul soit l’une des dernières capitales à ne pas disposer d’égouts, en ce début de printemps, l’air me fait l'effet d’une claque de fraîcheur (pour info, Kaboul est à 1 800 mètres).

 

En pénétrant dans la ville, le contraste et le mélange des civilisations y est fort. On y côtoie les camions colorés du Pakistan, mélangés aux convois militaires uniformes des différentes armées présentes (plus communément appelé ISAF), aux calèches pleines de fruits et légumes tirées par des chevaux sans âge et aux nombreux taxis jaune achetés d’occasion à Dubaï. Les visages sont aussi le fruit d’un savant mélange ethnique retraçant une partie de l’histoire de ce pays. On y trouve des faciès indiens, pakistanais, mongols, perses, voire européens à chaque coin de rue, tous appartenant cependant à une même unité nationale, bien que l'histoire ait favorisé certaines ethnies plus que d'autres (c’est une longue histoire...).

 

Côté sécurité, il ne faut pas oublier que le pays sort de 30 ans de guerre (et est toujours considéré en tant que tel) et que, malgré les informations de certains organismes étatiques qui se veulent rassurantes, le pays n’est pas encore stabilisé et les stigmates des dernières incursions étrangères sont encore très visibles. Une grande majorité de la population est illettrée (plus de 75 %), à l’exception de Kaboul qui joue son rôle de capitale du pays à la perfection. Les contrôles de sécurité sont constants ; les quelques restaurants « expatriés » sont équipés de sas, avec un garde de chaque côté équipé de kalachnikov ; les routes sont barrées d’immenses plots en bétons pour éviter à des voitures béliers de prendre de la vitesse ; chaque point névralgique (bâtiment ministériel, ambassade...) est protégé comme un château fort. On a régulièrement l’impression de se retrouver dans un bon film de guerre. Mais l’atmosphère qui règne dans ce pays est unique, et de ses habitants se dégage une chaleur humaine incroyable, me faisant presque oublier l’environnement général.

 

Dans les rues commerçantes, les morceaux de viandes (parfois des vaches entières) dansent à l’extérieur et côtoient allègrement les boulangeries locales ou les magasins de bibelots. Mais ces couleurs ne font pas oublier une misère omniprésente. Des enfants, des vieillards sans âge, des femmes sont constamment dans la rue, demandant de l’argent, phénomène de mendicité qui s’est accru de manière exponentielle ces dernières années depuis la chute des talibans, ce qui n’est pas forcément de bon augure d’un point de vue politique (que j’aborderai plus tard quand j’aurais l'illusion d’avoir compris quelques éléments).

 

Les Afghans découvrent l’Occident et ses produits. À la douane, il est possible de passer avec de l’alcool et, si l'on dépasse le quota autorisé (une bouteille par personne), les douaniers nous laissent filer moyennant quelques petits billets. Image amusante que celle d’un douanier qui, après avoir vidé la trousse de toilettes d’un voyageur afin d’en vérifier le contenu, s’est retrouvé nez à nez avec un préservatif (je préfère préciser que celui-ci était dans son emballage) et, ne sachant pas ce que c’était, l’a trituré d’un air suspicieux pendant dix minutes devant le regard amusé des quelques passagers attendant leur tour, personne ne s’étant décidé à lui en expliquer l’usage. C’est son supérieur, apparemment plus savant en la matière, qui (tout en se moquant ouvertement de lui) a donné l’accord quant au transport de cette marchandise pour le moins douteuse.

 

De mon côté, le travail se divise en deux parties : une composante logistique visant à trouver, acheter et acheminer le matériel pour les programmes et, de l’autre côté, la gestion de la sécurité au quotidien pour toutes les équipes (nationales et internationales), sujet d’autant plus passionnant qu’il m’impose de me plonger dans les contextes quotidiens de la vie afghane. Pour les cartographes en herbe, je vais être amené à me déplacer sur les provinces suivantes : Samangan, Ghor, Day Kundi. Les seuls moyens d’y accéder étant les petits avions 4 places ou les hélicoptères. Je ne vous cache pas mon impatience. Voilà en quelques mots mes premières impressions de ce pays.

 

L’Abeille



08/04/2009
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