Djibouti - 28 décembre 2023
Tout est noir. Les roches, les peaux, les arbres. Seuls quelques touches de poussières ici et là rappelle que nous sommes dans un désert. La vie ne semble pas y avoir de place. Pourtant au bout de cette piste rocheuse et chaotique, loin après que l’asphalte ai pris une autre direction, au milieu de montagnes de cailloux, quelques habitations faites de nattes tressées apparaissent. Il faut du temps pour accepter que l’on puisse savoir vivre là.
Les quelques visages croisés n’expriment que peu d’intérêts, peu de surprises. Les femmes au faciès rappé par la chaleur et la dureté de leur quotidien n’expriment aucune émotion. A peine vêtues, seules leurs dents blanches, taillées en pointe affirment leur sourire. Elles n’ont aucun âge, pas plus que leurs enfants qui, en silence, scrutent les étrangers s’aventurant jusque chez eux, avant de repartir tout aussi silencieusement qu’ils sont apparus. Les hommes sont invisibles. Ils escortent les troupeaux vers des semblants de pâturages, tandis que leurs épouses, après avoir détourné le regard des nouveaux arrivants, chargent sur de petits ânes de vieux bidons jaunes, qu’elles rempliront après quelques heures de marche dans une mare ou un puit. Il ne pleut pas, il ne pleut plus. Depuis quelques années il paraît que les saisons ne sont plus les mêmes. L’eau n’arrive pas, mais il n’est pas question de déménager. Ces pierres parsemées de fragiles brins d’herbe sont leurs territoires, leur « chez nous ».
Le temps n’existe que parce qu’il est rythmé par le jour et la nuit, la chaleur du soleil, la fraicheur de la lune. Parfois, on s’aventure au Nord, au-delà de ces montagnes que l’on voit au loin. Tous disent que c’est une frontière avec un d’autres pays. Mais rien ne le signale. Pas de barrière, pas de garde, pas de route. Pourquoi s’arrêter à ce que d’autres ont créés, fruit de dessins surement complexes, mais imaginaires. Ceux qui sont « de l’autre côté » ne sont pas différents. La langue est la même, les rythmes sont identiques, et beaucoup ont le même sang. Quelques vestiges et technologies autrefois importés ont un temps rendu la vie facile. Ici une retenue d’eau, là un réservoir enterré. Mais pour entretenir il faut de l’argent qui, aussi loin que nous sommes, n’existe pas. Il ne faut pas vendre le bétail car il ne resterait rien ensuite. IL faut juste espérer que la prochaine sécheresse ne sera pas aussi forte que la dernière, car que resterait-il ?
En traversant vers l’Est, après avoir croisé autruches, chacals, babouins, gazelles et beiras, la côte se dessine. A l’infini le sable prend le pas sur les cailloux. D’immense plages s’étirent ; ne s’arrêtant que parce la mer rouge les y obligent. Quelques mangroves ici et là diversifient un paysage tout aussi beau que monotone. La mer s’engouffre parfois à l’intérieur des terres, rythmée par les marées créant de vastes étendues meubles dont il est parfois difficile de s’extraire.
L’Homme ne se dessine que par quelques cahuttes espacées de plusieurs dizaines de kilomètres. Les barques sillonnent les lagunes à la recherche de poissons et des migrants venues d’Éthiopie, contemplant l'horizon rêvant d’un avenir meilleur, ils attendent qu’un passeur leurs fassent traverser une mer dont ils ignoraient l’existence. Beaucoup trop jeunes pour ces épreuves, ils n''ont d'autres choix que d'essayer. Ils ont souvent marchés plus d'un mois dans des conditions que je ne saurai décrire. Assis sur ces plages, regardant au-delà, ils espèrent. Peut-être qu’au-delà de ce médiatique détroit qu’est Bad-El-Mandeb (Porte des lamentations) leur avenir y sera meilleur. Inch’Allah….
Bonnes fêtes
l'Abeille
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