L'Abeille

L'Abeille

Djibouti - 10 mars 2023

Elles ne sont ni les gardiennes du temps, ni d’un quelconque temple caché sous les sables. Pourtant, dès que l’horizon dessinent leurs formes, on ne peut que chercher du regard leurs raisons d’exister. Sans aucune légitimité, habillées de noires, parsemées de verrues de roches, parfois minuscules, parfois effleurant le ciel, autrefois sous-marines, elles s’imposent maintenant à l’air libre, aux yeux de tous, faisant ricocher la poussière jaune que les vents aident à pénétrer n’importe quel espace. C’est là, sur une frontière commune avec l’Éthiopie que les cheminées du Lac Abbey ont décidé d’établir domicile. Nées de processus chimiques tout aussi longs que complexes, elles offrent un spectacle qui n’est pas d’ici. Certains les qualifient de lunaires, d’autres de martiennes, mais jamais le nom de Terre n’apparaît dans la bouche des visiteurs.

 

Il est vrai que l’ambiance y est particulière. Au petit matin, des sources d’eau chaude trahissent leur présence en rejetant des colonnes de vapeurs, que des apaches pourraient prendre pour des messages.  Après quelques mètres, des herbes colonisent les abords de ses ruisseaux permettant à phacochères et ânes d’y boire et manger, tandis qu’un peu plus loin, dans des eaux d’un bleu profond, des flamands reniflent la vase du lac, à la recherche de ce qui les rendra roses.

 

Tous les matins, les mêmes images se répètent. Si l’homme a décidé de s’exiler sur les montagnes de roches noires entourant cette oasis d’eau salée, Il descend escorter son bétail, et ce sont ainsi des milliers de sabots qui foulent un sable trompeur, s’enfonçant sous les pieds des ignorants. La légende dit que certains feignants y ont laissé leurs voitures, et d’immenses trous en attestent.

 

Mais moutons, chèvres et dromadaires, eux, se moquent de nous et avancent joyeusement vers les touffes vertes qui s’étendent autant que les sources le permettent. Ils s’engraissent dans une sérénité étonnante, attendant, sans le savoir, de devenir aux aussi une pâture pour d’autres. Ça et là, quelques jappements de coyotes rappellent qu’en étant en troupeau, on est moins vulnérable, et que surtout si l’on est petit, il ne fait pas bon s’allonger.

 

On peine à imaginer que l’été, les berges du lac peuvent dépasser les 50°, tout en sachant que nous ne la saurons jamais, à moins que nous ne soyons fous ou joueurs pour tester cette sensation. En attendant, nous jouissons de la climatisation de la voiture, ne comprenant que difficilement comment l’humanité a pu décider de s’installer ici.

 

Des caravanes d’humains curieux sillonnent cet immense décor, ou en son temps, la « Planète des Singes » y a élu domicile. Ils descendent de leurs 4*4, y font quelques photos et beaucoup de selfies, nettoient leurs chaussures, claquent les portières et reprennent une piste gravée dans les roches ralliant, plein Est, Djibouti Ville, en un peu plus de 6 heures pour qui conduit prudemment. En chemin, il est de notoriété de s’arrêter à Dikhil pour y découvrir une ville simple et basse, avec un charme étonnant, toutefois troublé par les centaines de camions alimentant l’Éthiopie toute proche. Roulant au pas en raison d’une route qui n’est plus, ils abreuvent la ville de poussière, d’odeurs d’échappement, de diesel et de vieux pneu. Le paysage citadin est souillé de milliers de petits sacs plastiques roses et bleus qui, paraît-il deviennent beaux dès que le khat se dissémine dans le corps humain. Et si femmes et hommes se noient dans ce décor, gentillesse, flegmes et pragmatisme sont les mots qui rendent tout voyage dans cette région encore plus inoubliable.

 

Quelques photos ajoutées

 

A bientôt

 

L’Abeille

 



10/03/2023
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