Mali – 13 janvier 2013 – Bamako
Vendredi soir, 20 h, dans une petite gargote d’une rue ensablée de Bamako, le président par intérim du Mali déclare officiellement à la télévision la guerre aux groupes présents dans le Nord. Une certaine solennité habille cet instant. Les nombreux spectateurs ne disent mot et écoutent religieusement le chef de la nation débiter de manière linéaire les mesures prises et ce qu’il attend de chaque Malien. Les spectateurs réagissent de manières très différentes. Les plus jeunes se congratulent discrètement alors que, sur le visage des plus âgés, l’angoisse et une certaine incompréhension se lit. Moment étonnant, semblant montrer qu’en quelques mots toute une nation prend conscience de sa situation. Pour certains, la peur et la paranoïa s’installent ; pour d’autres, c’est le moment de monter au front défendre son pays.
Et, comme avec tout contexte qui change, les rumeurs vont bon train… Chacun a la dernière information, chacun sait mieux que l’autre et, dans quelques instants, tout sera différent… Ailleurs, ce sont les populations qui fuient ou arrivent. Suivant là où l’on se trouve, certaines sont acceptées, d’autres rejetées. Les frustrations personnelles accumulées depuis longtemps font surface et ce qui s’annonce comme une libération pourra être, à terme, beaucoup plus compliqué.
Il n’y a ou n’y aura ni vainqueur, ni vaincu, seul un pays qui fait face à son histoire et va devoir prendre du temps pour se reconstruire, panser des plaies qui ne se sont jamais refermées avec le temps, trouver de nouvelles voies qui auront beaucoup de mal à s’écrire autrement que dans la douleur.
Mais sourions un peu dans cette période… Bien qu’une certaine tension règne sur Bamako, me voilà, alors que je me déplaçais en ville, au milieu d’une forte présence militaire. Tous sont vêtus de bouclier et autres armures en plastique destinés à repousser les émeutiers les plus téméraires. Mon sang ne fait qu’un tour… Que se passe-t-il ? Comment suis-je arrivée au milieu de cette mêlé ? J’entends une foule se rapprocher, crier, les soldats se resserrer. Impossible de manœuvrer avec mon véhicule, le chauffeur est coincé et je devine une goutte de sueur tomber de son front. En quelques secondes, nous verrouillons tout le véhicule et essayons de nous faire aussi petit que possible. Je songe même à raser ma barbe qui pourrait prêter à quelques confusions mais j’ai oublié de sortir avec ma tondeuse. Les cris se font plus forts et une foule compacte se masse sur la route où je me trouve. Et, quelques secondes après, c’est la ruée. Me voilà noyé au milieu de centaines de personnes qui courent de toutes parts autour de ma voiture, toutes courant vers un but, celui de gagner le marathon de Bamako qu’elles sont en train de courir. Une belle image de ce pays qui, malgré le contexte, n’en oublie pas certains de ses impératifs et, contre vents et marrées, a décidé de maintenir cette compétition annuelle !
À bientôt,
L'Abeille
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