Mali – 28 août 2012 – Nara
Frontière mauritano-malienne, ville de Nara, dans une zone qu’on appelle le Petit Nord, 500 kilomètres au nord de Bamako. La longue piste qui y mène traverse quelques villages bien trop rares, où agriculteurs et éleveurs tentent de tirer parti d’une végétation qui se raréfie. La longue veine de latérite s’enfonce inexorablement vers cette petite ville, dernier bastion malien, avant de rejoindre le pays des Maures. Nous arrivons en plein cœur du Sahel. L’herbe actuelle ne fait que masquer la dureté du climat. Il a plu il y a quelques jours et la végétation a su profiter de ces quelques gouttes pour se montrer, avant de disparaître tout aussi rapidement sous les mâchoires des herbivores ou d’une chaleur qui n’épargne personne.
L’agitation règne dans la ville : c’est jour de foire. On y vend de tout et de rien. Chaque individu a pris son baluchon pour commercer ce qu’il pouvait. Des Mauritaniens arrivent en masse, traversant la frontière avec quelques gros pick-up, des éleveurs débarquent par centaines escortant des milliers de bêtes, vaches aux longues cornes ou petits ruminants, tandis que les agriculteurs descendent des « bus » des centaines de kilos de mil et autres produits de la région. Se terrent aux abords de la « ville » d’autres Maures qui ont dressé leur campement et parqué leurs chameaux le temps de gagner un peu d’argent en ce jour.
Sur la place du marché, on se marche les uns sur les autres. Les charrettes tirées par des ânes se bousculent et il n’est pas rare qu’il faille en descendre pour la soulever afin de la décoincer d’une voisine ; les faciès et accoutrements sont l’occasion pour chacun de rappeler ses origines ; et l’on vient chercher tout ce dont on a besoin pour la semaine à venir. Aucune voiture ne se distingue dans ce brouhaha, les voitures étant bien trop chères à entretenir pour une population locale qui n’en a pas les moyens. Les bouchers rythment de leurs couteaux le bruit du marché, où les commerçants se sont regroupés par « secteurs d’activités ».
Un peu plus loin, on vend les bêtes, au prix de longs palabres et choix. Une fois l’affaire conclue, celles-ci sont chargées par centaines dans des camions et prennent la direction de Bamako ou, bien plus loin, d’Abidjan. Il faudra parfois patienter trois jours dans ces bennes avant de pouvoir reposer sabot sur un sol ferme.
Les habitations sont simples ici. De la terre et de la boue composent les briques des murs, les rues sont vastes et faites de sable, alors que la tôle fait les portes et portails, que de toute façon on ne ferme que la nuit. Une fois la chaleur présente, on se terre chez soi en attendant des heures plus clémentes. Quelques-uns ont la chance d’avoir un point d’eau dans leur cours. Sinon, il faut prendre l’âne et aller aux puits les plus proches et les moins peuplés pour en ramener sa consommation de la journée. Souvent, une nouvelle occasion de rencontrer ses voisins et d’échanger de tout et surtout de rien.
En cette saison, il ne sert à rien de vouloir dormir dans les maisons. Les constructions ne savent pas garder la fraîcheur et, une fois l’obscurité tombée, un étrange ballet se met en place dans les jardins. On sort sa moustiquaire qu’on accroche comme on peut entre arbres et chaises, une natte de plastique sur laquelle on dispose son matelas et au dodo. Point de pollution lumineuse ici : l’électricité n’existe pas, si ce n’est par l’intermédiaire de batteries qui permettent de regarder la télé le soir avant une nuit sous les étoiles ou sous cette clarté lunaire si spécifique des régions désertiques. On ne dort de toute façon que d’un œil. Les ânes braient, les hommes ronflent, quelques motos continuent de circuler et le jappement des chiens sauvages se poursuivant pour un maigre morceau de nourriture trouvé au coin d’un fossé constituent une mélodie nocturne presque rassurante.
Bref, bienvenu dans un monde où la préservation de son identité se doit principalement à son isolement, laissant apercevoir quelques bribes de ce que doit être la vie dans ces zones désertiques. Une vie principalement rythmée par les éléments.
L’Abeille
Quelques photos à venir dans le week-end.
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