L'Abeille

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RDC – 14 décembre 2016 – Bandundu

Il faut environ douze heures de piste pour rejoindre la ville de Bandundu, située à 400 kilomètres de Kinshasa. Tantôt de sable, tantôt de boue, on y croise des camions datant de l’indépendance du pays, tentant de se frayer un passage au milieu des endémiques ornières. Il n’est pas rare que, pour ces routiers, plus de quinze jours soient nécessaire pour rallier ou revenir de cette ville. Le point final étant la traversée via un bac de plus de 60 ans qui, bien qu’équipé de moteurs neufs, ne sait fonctionner que trop aléatoirement, au rythme de l’achat de carburant.

 

Les chauffeurs connaissent certes leur date de départ mais jamais celle d’arrivée. Chargés au-delà de leurs capacités, de vivres et d’hommes, les matériaux sont poussés bien au-delà de leur capacité de résistance. Et rare sont ceux qui ne cassent pas. Tout au long de la piste, ces épaves roulantes s’enlisent, s’arrêtent, s’échauffent et, patiemment, les conducteurs, aidés de leurs assistants, creusent, déblaient, réparent et attendent. Car oui, la patience fait partie du contrat de travail. Bien que disposant généralement d’un véhicule de remplacement sous forme de pièces détachées, il n’est pas rare qu’il manque ce qui est nécessaire. Il faut donc attendre qu’un autre puisse amener la pièce désirée… Attendre, attendre et encore attendre. Et, lorsqu’on repart, on sait que la prochaine panne est proche, tout autant qu’après chaque descente guette une montée. Les carcasses bardées de sacs servent alors de toits pour se protéger des pluies, de la nuit.

 

Mais parlons un peu de ce petit graal qu’est la ville de Bandundu. Située en bordure de la rivière Kwilu (tout aussi large et longue que notre Loire nationale), le temps semble s’être arrêté. Autrefois lieu de villégiature tout autant que poumon économique du pays, les vestiges des anciennes plantations de caoutchouc côtoient d’anciens petits bungalows où les       Kinois venaient chercher le repos le temps d’un week-end, quand il ne fallait que quelques heures pour faire la route et quand les loisirs étaient encore une réalité.

 

Trop rare, le visiteur étranger est considéré comme une denrée qu’il faut choyer. Dans le plus bel hôtel de la ville, l’équivalent d’un Formule 1 en un peu moins chic, il n’y a pas d’heure pour demander si le client veut une douche, a besoin de papier toilette ou préfère une chambre avec une climatisation qui fait un peu de bruit mais pas trop. Et, quand je dis qu’il n’y a pas d’heure, je pèse mes mots. À 4 h du matin, le « room service » vous propose de changer de chambre ou vous apporte de l’eau pour vous laver car la citerne est percée. Et le tout avec un naturel et un flegme déconcertant.

 

Quand je sors, la tête un peu enfarinée car il n’est que 6 h du matin, mais le devoir n’attend pas, le propriétaire du bar situé juste en face de l’hôtel demande de manière très légère si je n’ai pas « envie de baiser » pour bien commencer la journée. De toute façon, si l’envie me prend, son lieu est ouvert à « tout moment », comme je peux l’entendre facilement, grâce à la musique qui ne s’arrête jamais ou aux soulards qui ne se gênent pas pour hurler leur plaisir en sortant dans la rue. Un vrai esprit de partage. Bien sûr, le seul moment où la danse s’arrête est au coucher du soleil, quand l’église du réveil, située de l’autre côté de la rue, fait chanter et danser ses fidèles.

 

Mais cette ville a su garder un certain esprit communautaire où la solidarité règne. Dans cette école, un enfant malade et nu, au milieu des autres, attend près de la pompe que ses camarades lavent ses vêtements qu’il a souillés. Un peu plus loin, cette famille en accueille une autre qui ne sait pas où dormir et ne dispose que de trop peu de moyens pour s’offrir un toit. Il paraît que ce sont de lointains cousins, dont les ancêtres chassaient les mammouths ensemble. Mais bon, la famille, c’est sacré et on ne remet en cause ces liens, aussi vieux soient-ils. Et ce ne sont là que deux petits exemples d’un quotidien où quelques belles images rappellent simplement que cela ne sait exister que pour mieux survivre.

 

Encore tant d’histoires à raconter que quelques photos ajoutées prochainement sauront peut-être rendre une impression de ces instants, où l’indifférence ne sait s’insérer.

 

À bientôt,

 

L’Abeille



14/12/2016
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