L'Abeille

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RDC – 31 décembre 2016 – Kinshasa

Longtemps connue sous le nom de « Kin la Belle », en raison d’une vie nocturne débridée et authentique, les années passant, la capitale congolaise a perdu de sa grandeur, bien que, dans les quartiers populaires, le nombre de bars au mètre carré est à peu près équivalent au nombre de gnous arpentant les grandes plaines kenyanes lors des grandes migrations. La majorité de ces bars ont pignon sur rue, voire se composent uniquement d’une terrasse, occupant dans leur intégralité les trottoirs. La bière servie dans de grandes bouteilles de verre est omniprésente, mais il est également possible de commander un « sucré », autrement dit Coca, Sprite ou Fanta. La musique empêche toute discussion, alors on se contente le plus souvent de ne rien dire et de regarder.

 

Mais le plus étonnant reste la combinaison de différents événements au sein d’une même agitation. Juste à côté d’une terrasse où chacun sirote sa boisson, quelques tentes montées « à la va-vite » accueillent un enterrement, dont les invités se pressent autour du cercueil ouvert afin de dire au revoir au défunt. Les hommes restent stoïques, les femmes offrent leurs cris et leurs douleurs à qui veut les entendre ; le corbillard attend sagement, gyrophare allumé et parfois sirène enclenchée, qu’on déplace le défunt ; et des caméramans font ce pour quoi ils ont été employés : filmer ! C’est là effectivement un aspect que nous ne connaissons pas dans nos sociétés dites industrielles : ce que je pourrais appeler l’industrie de l’image mortuaire. Dans grand nombre d’enterrements, une équipe de tournage se déploie, filme le mort, les vivants, les processions, les pleurs, les musiciens traditionnels et tout le folklore avoisinant. Il paraît qu’ensuite un montage digne des plus grands Spielberg est réalisé, mais je n’ai pas réussi à savoir si, ensuite, les familles se faisaient de petites soirées vidéo afin de se rappeler ce moment.

 

Mais, bref, en revenant à nos bières, la présence de cet enterrement ne semble déranger personne, chacun s’accommodant du moment de l’autre avec un respect étonnant. Un peu plus loin, des milliers de petites chandelles illuminent le trottoir, tel un champ de lucioles au printemps. Chaque lumière représente un commerçant désireux de glaner quelques francs et, l’éclairage public n’existant que trop peu, il faut montrer sa marchandise. Une natte en feuille de palme ou un bout de tissu sert de rempart contre la saleté du sol et l’on y expose les quelques produits qu’on désire céder : quelques sachets de lait en poudre, de vieilles paires de chaussures ou des fripes achetées au kilo dans un container arrivant d’Europe, de nombreuses « chinoiseries », à savoir tous types d’accessoires électroniques d’une utilité et d’une qualité très discutables, quelques légumes cultivés dans son jardin. Bref, n’importe quoi qui peut faire gagner « un petit rien ». Et, une fois passée cette section illuminée, on retrouve une rangée de bars.

 

Ah oui, j’oubliais… Que serait une bière sans une brochette de viande ou de poulet ? Parsemées le long des rues, de petites gargotes offrent de succulentes brochettes pour moins d’un dollar la pièce. Elles sont servies dans un petit sachet en plastique accompagnées de « pili pili », à savoir le piment local, et de quelques lamelles d’oignons. Le fumet qui se dégage de ces barbecues dissémine une saveur unique, ayant le même effet que lorsqu’on passe à côté d’une boulangerie en plein Paris vers 5 h du matin. Ça nous donne envie d’acheter, d’autant que chaque brochette est cuite devant son futur acquéreur. Qualité assurée !

 

N’oublions jamais que cela ne fait que se rajouter à une circulation qui ne s’arrête jamais, où les voitures se touchent, se klaxonnent, se tamponnent, s’arrêtent au milieu de nulle part et sans raison, attendent ou au contraire cherchent à défier le temps car il faut se créer sa place si l’on veut avancer.

 

Finalement, les seuls qui n’arrivent qu’à avancer bien trop doucement sont les piétons, pour qui chaque pas se traduit par une attention accrue si l’on veut éviter tout accident impromptu et de finir sa soirée entre quatre planches, même si, d’une certaine manière, on restera au milieu des bars.

 

Bonne année à vous tous.

 

L’Abeille



31/12/2016
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