L'Abeille

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Afghanistan – 26 décembre 2014 – Noël

Pour nous, occidentaux, Noël est le moment de se retrouver, d’offrir et de recevoir. On profite de cette période pour se ruer dans des boutiques saturées de produits, mettre à profit nos qualités de consommateur et rentrer dans une certaines frénésie qui ne s’arrêtera, a priori, que le 24 au soir.

 

À Kaboul, Noël, on n’en parle même pas. Les Afghans les plus calés me disent : « Ah oui, c’est un peu comme Aïd, sauf que vous ne jeûnez pas avant ». Mais, en dehors de cela, point de sapins ni de guirlandes dans les rues. La majorité des Afghans ayant la barbe, on peut éventuellement imaginer des Pères Noël à chaque coin de rue, la hotte en moins.

 

Mais tout bon expatrié qui se respecte essaie de préserver sa culture, et la moindre branche rachitique fera l’affaire pour décorer le salon. On y ajoutera trois guirlandes chinoises, capables de nous rendre épileptiques et le tour sera joué. L’approvisionnement sera géré en avance et il n’est pas exceptionnel de se retrouver avec un foie gras et du fromage « bien de chez nous ». Les cadeaux sont distribués de manière aléatoire avec, pour les plus chanceux, une écharpe en poil de chameau ou un set de verre estampillé « I Love Afghanistan », alors que les autres devront rentrer chez eux avec des canards en plastiques ou des robots qui dansent. Mais l’esprit est recréé et une nouvelle bulle s’installe pour quelques heures dans l’hiver afghan.

 

Certains autochtones ont compris qu’être proche d’expatriés au moment de Noël, leur permettraient de bénéficier de mets qu’ils ne connaissent que trop peu, alors que quelques boutiques ayant une ouverture culturelle sur l’Ouest n’hésitent pas à importer en masse des dindes, sachant qu’une certaine clientèle se ruera sur cette denrée si convoitée et tentant de doubler les prix le jour J.

 

Et, pendant ce temps, la vie continue. Le froid devient de plus en plus présent, le manteau blanc s’installe sur les hauteurs, alors que les passants s’habillent de couverture qu’on appelle ici patou. Tout est bon pour se protéger de cette agression climatique. On revêt les fenêtres de feuilles de plastique, les poêles (plus communément appelés Bourari) au bois, fuel ou charbon font leur entrée dans chaque bâtisse et, tôt le matin, un spectacle de colonnes de fumées s’élèvent sur les toits de la ville. Dans les campagnes, pour certains, c’est une semi-hibernation qui commence. Pendant plusieurs mois, il ne sera possible de sortir de chez soi, la neige bloquant tous les accès. Une fois que cette dernière aura fondu, il faudra se battre avec la boue mais, pour le moment, on se contente de rentrer les animaux qui, habitant au rez-de-chaussée des fermes de terres et de bois, serviront de chauffage central. Le pays se prépare à ralentir pendant quelques mois, comme c’est le cas depuis que les saisons existent.

 

Le conflit lui-même s’assoupit. Certes, quelques incidents médiatiques rappellent au monde entier que l’Afghanistan existe, mais ces médias oublient de dire que l’Afghanistan n’est pas qu’un pays en guerre, comme j’ai pu en parler avant. D’une certaine manière, il y fait toujours bon vivre, on se délecte des quelques rayons de soleil qui réchauffent pendant quelques heures une terre gelée et l’on profite de chaque contradiction culturelle pour échanger et, souvent, en rire.

 

Ce n’est pas encore une réelle destination touristique mais il est important de garder à l’esprit qu’il y a une autre vie que la guerre et le sang.

 

Sur ces quelques notes joyeuses, les conventions me font dire qu’il est important de vous souhaiter plein de belles choses et, la réalité, qu’il ne tient qu’à nous de les vivre.

 

À bientôt,

 

L’Abeille



26/12/2014
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