L'Abeille

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RDC – 1er janvier 2016 – Kinshasa

Le français est l’une des langues officielles d’un pays qui compte plus de 400 dialectes. Mais, comme l’on peut s’y attendre, les Congolais ont développé leur manière de le parler, en préservant, utilisant des expressions qui leur sont propres. En ce moment, le mot à la mode est « le glissement ». Il se définit par le fait que les élections présidentielles prévues fin 2016 n’auront probablement pas lieu en temps et en heure et que la date prévue va glisser vers une date ultérieure, quelques semaines, mois ou années plus tard, laissant au président actuel la possibilité de rester au pouvoir. Lors de réunions où il est de bon ton de remercier « à tout va », un certain vocabulaire est de rigueur : dès que vous avez l’autorisation de parler, la première chose à dire est « je vous remercie pour la parole », puis de terminer son intervention par l’expression suivante : « J’ai dit et je vous remercie ». Si une personne vous dit qu’il lui faut une motivation pour accomplir certaines tâches, ce ne sont pas des mots ni engagements qu’elle cherche mais quelques sous. Dans la même veine, « un petit rien » signifie qu’il ne faut pas partir sans laisser quelques billets. En ce moment, d’immenses panneaux ornent les carrefours de Kinshasa, où le président Kabila, toujours en vue de la possible (ou pas) tenue des élections présidentielles, a décidé d’informer le peuple de la tenue d’un dialogue nationale. Et l’un de ses slogans est « répondre à l’appel pathétique de la nation »… Si quelqu’un a une explication sur le sens de cette phrase, je suis preneur, car personne ici n’est pour le moment capable de me donner une version cohérente. Bref, quelques éléments qui sont ici un petit aperçu de quotidien qu’il est important de savoir déchiffrer pour évoluer un minimum dans la société congolaise.

 

Comme dans une majorité de pays, Noël est célébré ici en grande pompe. Dans les coins stratégiques de Kinshasa, de faux sapins enguirlandés illuminent (quand il y a de l’électricité) les artères avoisinantes. Des bonhommes de neiges gonflables surplombent quelques toits et toutes les caissières arborent de petits bonnets rouges, ornés d’un pompon blanc. Une ambiance de fête apparente qui ne fait que ressortir de nombreuses frustrations. Comme partout, Noël coûte. Et l’argent ici est rare, très rare. La pression augmente donc sur tout un chacun et il faut réussir à trouver le plus d’argent possible. Les contrôles de police se multiplient pour n’importe quelle raison (un clignotant possiblement oublié, un essuie-glace qui ne marche pas alors qu’il ne pleut pas, un siège trop reculé…). Chacun souhaite une quarantaine de fois de « bonnes fêtes » dès que l’occasion se présente, pour bien faire sentir « qu’un petit rien » est attendu et tout autre stratagème qui, finalement, pousse à rester chez soi pour ne pas être continuellement sous cette pression. Mais le pire étant que les rues sont, d’après les Congolais, plus vides d’années en années, l’argent devenant de plus en plus sélectif quant à ceux qui ont le droit de le toucher. Une population qui s’appauvrit, des biens qui coûtent de plus en plus cher, une équation que nous ne connaissons que trop bien mais qui, ici, paraît être trop docilement acceptée par la population. Comme si la résignation était un impératif pour vivre dans cet environnement.

 

Kinshasa est une ville de plus de 12 millions d’habitants, or je ne saurais réellement dire si j’habite à Kinshasa. Celle-ci se divise en de multiples quartiers et celui dans lequel la majorité des expatriés, ainsi que la classe politique, évoluent est le quartier de la « Gombe ». En dehors de celui-ci, on ne sait pas grand chose, si ce n’est que les routes ne sont pas asphaltées, que l’électricité n’est présente qu’au travers de quelques groupes électrogènes chinois, que les gens sont massés les uns sur les autres, qu’il faut des heures pour sortir de ces quartiers. Des labyrinthes de terre, des maisons faites de bric et de broc, des enfants à moitié nu courant dans tous les sens et des petits métiers permettant de gagner quelques francs. Il y a ceux qui rechargent les batteries des téléphones portables, les sempiternels cireurs de chaussures, les vendeurs de paquets de mouchoirs ou ceux qui, au feu rouge, proposent des produits chinois et l’on se demande comment quelqu’un a eu l’idée de designer et fabriquer ce type de bien. Quant à la qualité, évidemment, quand on pose la question, la réponse est toujours presque parfaite : « aucun problème, ça tiendra au moins jusqu’à demain et, au pire, c’est garanti, on le renvoie en Chine pour réparation… ».

 

Bonnes fêtes et, dans les prochains jours, de nombreuses photos des pères Noël congolais vont être ajoutées.

 

L’Abeille



01/01/2016
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