L'Abeille

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RDC - 10 juillet - Kinshasa

Si « Monsieur » et « Madame » restent des notions très appréciées, de manière plus courante tout le monde ici s’appelle Papa ou Maman, en y ajoutant parfois sa spécialité. Par exemple, pour quelqu’un qui conduit, on dira « Papa chauffeur » ; pour un gardien « Papa gardien » ; et ainsi de suite. Je viens de faire la connaissance de « Maman légumes », qui vend donc des légumes. Jusqu’ici tout va bien… Mais Maman légumes vient de me rappeler que tout n’est pas toujours inné et qu’il faut savoir se remettre dans le contexte dans lequel on vit en sachant sortir de sa bulle.

 

Avant d’expliquer le pourquoi du comment de cette remarque ô combien philosophique, il faut comprendre que Kinshasa n’est en rien une ville qu’on pourrait qualifier de développée, suivant nos standards occidentaux. Cette mégalopole de 12 millions d’habitants aux limites plus que confuses se compose principalement de quartiers où les rues ne sont que sable, les égouts n’existent pas et l’électricité tout autant que l’eau sont des denrées bien trop rares. Les maisons s’étalent à perte de vue et ne sont jamais équipées d’étages. Cependant, un petit quartier connu sous le nom de « la Gombe » essaie de se vouloir comme la vitrine de Kinshasa, où l’on trouve quelques routes bitumées de grands immeubles plus ou moins modernes, dont la majorité est équipée d’ascenseurs. On comprend donc aisément que ces machines ne sont que trop peu connues et réservées à une élite.

 

Revenons donc à notre Maman légumes qui, non contente d’avoir trouvé un nouveau client en ma personne, se voit offrir un tour en ascenseur afin de venir récupérer les quelques billets servant à acheter ces aliments si nécessaires. Je sens bien qu’en pénétrant dans l’étroite cabine une certaine appréhension l’envahit. Les boutons qui la fascinent et la sensation liée à la montée de l’appareil sont autant de nouveautés qui la font hésiter entre angoisse, curiosité et une certaine joie de vivre cette nouvelle expérience.

 

Une fois la transaction finalisée, Maman légumes se doute que je ne la raccompagnerai pas en bas et me demande comment redescendre. Je lui indique le bouton 0 et m’en retourne à mes occupations. Vingt minutes plus tard, il me paraît nécessaire de sortir faire un tour. Je m’équipe de mes plus belles sandales, revêts un short, enfile un petit marcel, puis me pare de mon plus joli bob. Je ferme ma porte à clef et appelle l’ascenseur. Au moment où ce dernier arrive, en ouvrant la porte, quelle n’est pas ma surprise en constatant que Maman légumes est toujours à l’intérieur. Un peu fatiguée, elle m’explique qu’elle est bien descendue après m’avoir quitté mais, une fois arrivée au rez-de-chaussée, elle n’a pas su sortir car elle ne savait pas si elle avait le droit de pousser la lourde porte… Contente d’être libérée par mes soins, elle me jure ses grands dieux que, la prochaine fois, les escaliers seront honorés de son passage.

 

Continuons dans l’usage de ces outils modernes. Comme partout dans ces pays où Internet n’est pas une généralité et où trop peu de personnes en connaissent son usage, il existe des cafés Internet qui démocratisent un peu l’accès à la toile. En se promenant dans ces cafés, il n’est pas rare de tomber sur des situations plus qu’insolites. Une quasi généralité est la présence de deux personnes derrière chaque ordinateur. C’est en général une personne d’un certain âge qui se fait accompagner d’un bien plus jeune, lui servant d’interface entre l’ordinateur et le fil de ses pensées. Comme beaucoup ne savent pas utiliser ces outils, c’est un nouveau marché qui se crée, les jeunes se faisant rémunérer pour surfer. Et, en passant derrière ces écrans, même si la curiosité est un vilain défaut, s’empêcher d’avoir les yeux qui glissent serait comme se priver d’un croissant lors d’un petit-déjeuner en France ! Certains se font fabriquer de faux diplômes en s’inspirant de ceux trouvés en ligne, d’autres des papiers d’identité, des factures, des affiches commerciales et tout autre outil destiné à un public plus ou moins varié. De café Internet à usine de faussaire, la frontière peut être fine, mais tellement décalée. Toutefois, cela n’est une image trop pesante de ce pays, où trop peu ont accès à une éducation ou à des technologies qui sont pourtant devenues une nécessité dans le développement actuel de notre monde. Car, au-delà du fait de ne pas savoir se servir d’un ordinateur et d’être trop peu diplômé, il existe une autre réalité qui est l’incapacité d’un État à pouvoir fournir des justificatifs en tout genre qui sont pourtant nécessaires à a constitution de nombreux dossiers administratifs. Justificatifs qui peuvent parfois être disponibles sous réserve d’un accord parfois plus onéreux qu’une séance dans un café Internet, sans pour autant qu’il y ait de réels fondements…

 

Sur ce,

 

À très vite,

 

L’Abeille



10/07/2017
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