L'Abeille

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RDC - 31 Janvier 2017 - Bunia

En quelques heures, on passe des collines luxuriantes à la savane. Le long de la piste menant au Soudan du Sud, on ne compte plus les mines d’or à ciel ouvert, tantôt artisanales, tantôt concession de multinationales. Toutes se caractérisent par les milliers de Congolais qui travaillent dans la boue, à moitié nus, à la recherche de quelques grammes de ce précieux métal, pouvant leur permettre de survivre quelques jours de plus. Seuls les axes desservant les sociétés se repaissant du sol congolais sont praticables, afin de permettre aux camions d’évacuer les tonnes de ressources extraites vers les pays voisins, pour les traiter, puis les acheminer vers des acheteurs au-delà des mers qui bordent le continent africain. En dehors de ces veines commerciales, il faut plusieurs heures pour faire moins d’une dizaine de kilomètres, comme s’il était moins important de permettre aux hommes éloignés de circuler, de se rencontrer, d’échanger.

 

Dans ces contrées pour le moins reculées, c’est un autre monde qui subsiste. La pauvreté est toujours omniprésente. À cette dernière s’ajoute l’authenticité d’un monde loin de toute évolution, si ce n’est l’exploitation par des compagnies internationales, toujours plus voraces, en raison d’une demande « de tout » dont nous sommes les premiers initiateurs. Cela se traduit par des centaines de bras creusant une terre rouge, gardés par quelques hommes équipés d’arcs et de flèches pour seul moyen de protection, d’attaque et de dissuasion. Et, pourtant, d’après les dires locaux, ils sont redoutables, paraît-il…

 

Je ne saurais dire si ces terres ont été colonisées ou habitées pendant des décennies par de nombreux étrangers. Toujours est-il qu’ils ont laissé de nombreuses traces de leur passage, à commencer par leurs noms de famille et leurs langues. Il n’est pas rare qu’un Congolais s’appelle Enzo et qu’il parle mieux l’italien que le swahili, que son voisin se prénomme Peter Van quelque chose et que son accent rappelle subtilement celui de Flandre. Et ainsi de suite. Sur quelques kilomètres de tout un territoire, l’Europe semble s’être donné rendez-vous. Il est encore plus frappant d’entrevoir, au milieu d’un désert de verdure, un couvent, un monastère, aux dimensions exagérées mais au style berçant les campagnes du vieux continent et dont les vergers ne semblent jamais s’arrêter. Ces lieux de foi constituent entre autres des centres de vie, encourageant les paysans à y rechercher une protection spirituelle, en plus d’assurer certains services comme la prescription de soins ou le partage de quelques denrées.

 

Dans cette région, on côtoie l’Ouganda et le Soudan du Sud. Le premier semble être le débouché naturel des richesses congolaises, alors que le second déverse un flot de réfugiés qui ne cherchent qu’à transiter, mais que, parfois, la réalité administrative et politique fait qu’ils se retrouvent loin de ces frontières, oubliés de tous. Dans leur migration, ils emportent avec eux ce qu’ils peuvent. Objets personnels, parfois trouvés, parfois volés : ce sont là des ressources leur permettant de glaner quelques dollars et il n’est pas rare de trouver des fortunes en biens de consommations, signes de sociétés qui ont périclité après avoir vécu dans une opulence bien trop forte, que la guerre a effacée. Femmes, enfants et hommes parcourent alors les routes à la recherche d’un abri qu’ils n’espèrent que trop temporaire, même s’il est vrai que le Soudan du Sud, plus jeune pays du monde, ne paraît pas sur le chemin d’une maturité qui permettrait à tous de rentrer chez soi.

 

Mais terminons sur une note plus congolaise. Dans toutes les villes érigées le long de ces veines d’hommes et de richesses, quelques trop rares hôtels s’épanouissent. Certes, il ne faut pas s’attendre au grand luxe, mais un lit, une moustiquaire et un baquet d’eau constitue une vraie richesse ici-bas. Cependant, il y a toujours, et c’est là une composante nationale, « un problème » : on ne peut y dormir car il n’y a plus de feuilles de police permettant d’enregistrer l’identité des voyageurs ; le repas ne peut être servi car la patronne est rentrée chez elle avec toutes les assiettes ; il y a finalement des personnes qui ont décidé de rester plus longtemps que prévu, mais qui sont d’accord pour partager leur couche si cela peut arranger ; et ainsi de suite… Finalement, au Congo, le répit n’existe pas, mais la vie quotidienne réserve tant de surprises qu’aussi fatigant que cela soit, il est impossible de s’en passer.



10/05/2017
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