RDC – 11 octobre 2015 – Gbadolite
Aujourd’hui, nous mélangerons l’histoire et le contemporain… Départ pour Gbadolite, ville située le long du fleuve Congo, juste en face de la RCA, en plein Nord du pays.
Pour y aller, peu de choix : la baleinière, mais il faut compter plus de deux semaines depuis Kinshasa ; pour la voiture, il en est de même, voire plus long (environ 1 500 kilomètres depuis la capitale congolaise) ; il nous reste donc l’avion. Peu importe la taille de celui-ci car c’est depuis les airs que la démesure commence.
Gbadolite a été le fief de Mobutu, sa région d’origine. Il est donc normal que ce petit village paisible ait été au cœur de bien des attentions durant toutes les années du règne du Maréchal. Ce dernier, habitué à louer le Concorde pour ses propres déplacements, a commencé par y faire construire un aéroport international, capable de recevoir cet appareil. François Mitterrand vint d’ailleurs lui rendre visite avec ce fleuron aéronautique. Il fallait ensuite que l’électricité anime toute cette zone. Ce doit être le seul endroit de la RDC où les petites cases de terre disposent d’ampoules, allumées jour et nuit. L’asphalte est présent partout ; d’importants bâtiments, encore inexploités, inhabités, s’imposent dans la ville. On y trouve même une usine Coca Cola qui n’a jamais fonctionné. Les feux rouges (qui ne marchent plus) et panneaux viennent directement d’Europe et, comble de toutes les attentions, tout est gratuit… Cependant, signe des temps, les vélos ont remplacé les taxis, les cours se font dans des salles sans vitres et quelques vieilles grues déchirent le ciel bleu de leurs masses rouillées. Le temps s’est arrêté, d’un coup.
Bien sûr, il ne faut pas oublier la résidence, autrement appelé le Palais, qui, située en haut d’une des collines avoisinantes, domine toute la jungle congolaise. Cette bâtisse, aujourd’hui dévastée, où seuls les marbres du sol, les murs et la charpente survivent, laisse cependant aisément imaginer le faste qui a animé les années « de règne ». Seuls des lions de marbre, trop lourds pour être transportés, nous accueillent dans le patio. Les piscines à étages ne sont plus alimentées que par de l’eau croupie, les herbes s’invitent à tous les niveaux et l’on imagine qu’il ne doit plus rester grand chose de la chambre souterraine de Mobutu, remplie d’eau également. Le temps s’est figé ici et les ruines restent les derniers vestiges d’un régime passé, que les autochtones souhaitent cependant voir revivre. À ce sujet, je ne pouvais laisser passer l’occasion de citer que, dans cette ville historique, après quelques discussions avec l’épicier local, ma surprise fut grande quand il me dit se nommer Pépin le Bref (pour ceux qui ne connaissent pas un de nos illustres rois, je vous laisse chercher). Il n’y a qu’ici, dans cet ancien royaume, qu’un petit commerçant répondant à ce prénom puisse exister sans que cela n’étonne personne.
Dans un autre registre, il est étonnant de voir comment le peuple congolais respecte certains principes nationaux. Où qu’on soit, aussi indiscipliné que peut être un moment de vie, au moment du lever du drapeau tout s’arrête. Traditionnellement, autour de 7 h du matin, si vous êtes dans un espace où cet événement est visible, vous devez arrêter le cours de votre vie, éteindre la musique, vous lever et regarder les couleurs monter. Le trafic s’arrête, le silence s’impose, les mains s’appuient sur les cœurs et le regard devient passionné envers l’étoffe nationale, qui a parfois bien du mal à se hisser en haut d’un mat rouillé. Mais peu importe… Il doit monter et l’on doit le respecter. Une fois la tâche accomplie, en quelques secondes, tout repart comme avant : on klaxonne, on crie, on court, le désordre apparent reprend. Il en est bien sûr de même au moment du « tombé des couleurs ».
La saison des pluies renaît, la chaleur avec. En quelques secondes, le ciel devient d’un noir inquiétant, les vents arrachent arbres et poteaux, les feuilles balaient les airs et, en quelques secondes, des trombes d’eau se déversent partout en ville, charriant alors détritus et autres que, dans certaines zones vallonnées de Kinshasa, les populations utilisent pour stabiliser leur terrain et éviter que tout ne s’effondre. Ce qui nous est vital est ici une des premières causes quotidienne de malheur, détruisant tout sur son passage et véhiculant maladies et autres, problèmes de fond que personne n’ose affronter.
Quelques photos ont été ajoutées.
À bientôt,
L’Abeille
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