L'Abeille

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RDC – 11 octobre 2016 – Kinshasa

Il est 18 heures. Le combat annoncé par tous doit commencer dans quelques minutes. Mais il est sage d’arriver avec environ une heure de retard car l’heure est, comme je l’ai déjà mentionné plusieurs fois, une vision de certains esprits. En arrivant vers 19 h, on prend donc une marge de sécurité confortable. L’affiche de la soirée repose sur un match de boxe qui doit opposer une star congolaise et une toute aussi grande, mais venant du pays voisin qui est la Zambie.

 

Cependant, contre toute attente, ou plutôt comme cela aurait été prévisible, rien ne se passe comme convenu. Devant l’entrée du stade, quelques policiers tentent de maîtriser une foule qui hurle et essaie d’escalader les murs. Ça se houspille, ça se bouscule, ça crie… et bien d’autres détails que je ne saurais retranscrire ici. Et pourquoi ? Tout simplement parce que les clefs du stade ont été perdues… Conclusion : personne ne peut rentrer, pas même les responsables des combats ou les installateurs du ring. Chaque problème ayant une solution, il suffit de s’asseoir au bar d’en face et d’attendre pendant un temps certain. 22 h : la serrure s’actionne enfin. La foule s’engouffre, continuant de hurler et de se débattre, mais avec une certaine bonhomie. Toujours est-il que le ring n’est pas installé, alors que le camion qui l’amène vient à peine d’arriver. Deux haut-parleurs en forme de cercueil sont disposés à la va-vite et, rapidement, un DJ enchaîne des morceaux tout en haranguant la foule installée dans les tribunes.

 

Quelques privilégiés bénéficient de tables en plastiques jetées au milieu de l’enceinte sportive et ont droit à une bouteille d’eau pour patienter, afin de justifier le prix exorbitant payé par ces VIP d’un soir. À l’extérieur, c’est toujours la jungle. On essaie de passer par-dessus les murs pour s’offrir un moment de loisir. Mais rien n’y fait. De solides vigiles armés de bâtons repoussent les assaillants. Dans les tribunes, l’ennui se transforme vite en bataille rangée car il faut bien passer le temps. On approche les douze coups de minuit et les avancées ne sont pas extraordinaires. Quelques rapides coupures d’électricité plongent le quartier dans un noir absolu mais cela ne laisse pas le temps aux resquilleurs de franchir l’enceinte, sauf ceux réussissant à glisser quelques billets dans la poche d’un cerbère compatissant.

 

Enfin, minuit trente… Le ring est prêt. Les combats peuvent commencer. La furie des gradins se tait et les boxeurs se donnent en spectacle, certains jouant sur le ring un trop hypothétique avenir mais mettant tout leur cœur dans cet art qui, ils l’espèrent, les sortira de l’anonymat et de la pauvreté.

 

5 h, matin. Le combat des chefs arrive enfin. Des gradins toujours pleins, une clameur impressionnante réveille les plus endormis. D’un côté la star congolaise, fraîche comme un gardon. En face de lui, le Zambien, bien moins réveillé et apparemment un peu déboussolé par cette organisation si typique. Sans surprise, après quelques rounds, le Congolais est sacré vainqueur et se voit remettre son trophée à 6 h 30. Ce n’est qu’à ce moment-là que, les yeux rouges de fatigue et la voix cassée, les spectateurs rentrent chez eux, sans un bruit, pour profiter de quelques heures de sommeil avant de retourner à un quotidien fait d’imprévus. Mais, bizarrement, personne ne se plaint, bien au contraire. À écouter quelques ragots ici et là, certains pensent avoir revécu le combat de 1974, opposant Ali à Forman, ici, à Kinshasa.

 

Mais, au-delà de cette organisation, que nous pourrions qualifier de chaotique d’après nos standards, se pose la question des loisirs pour les Congolais.

 

La majorité d’entre eux étant privée de tout accès à d’autres tâches que celles de chercher de quoi se nourrir et se loger, dès qu’il est possible de sortir de leur quotidien, peu importe le temps que cela prend. Les Congolais acceptent alors presque tout et se servent du moindre événement pour colorer leurs discussions pendant des semaines.

 

Certains voient d’ailleurs l’église comme une source d’occupation, où certes l’on s’y retrouve sur une base de croyance mais où le temps importe peu car, finalement, le dimanche reste un jour morose où le peu d’activités se ressent comme une contrainte. Certaines messes durent parfois une journée entière et, même en semaine, il n’est pas rare d’entendre des chants ou bénédictions quelle que soit la direction où l’on dirige son oreille. On vient y chercher le salut, certes, une occupation, sûrement. Mais c’est là un tout autre sujet qui sera développé prochainement.

 

À bientôt,

 

L’Abeille



11/10/2016
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