L'Abeille

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RDC - 18 Octobre - Kinshasa

Dans les années 1970, que certains ont probablement connues, Kinshasa était surnommé Kin la Belle. C’était le centre de l’Afrique. Tous s’y donnaient rendez-vous, tout s’y passait, tout s’y développait. Les nuits étaient chaudes, les jours tout autant. Le point d’orgue de cette période faste fut le combat entre Mohamed Ali et Georges Foreman qui, grâce aux millions de ce pays, a su être, un instant, le foyer de toutes les attentions, pour des raisons tout autres que celles que nous connaissons maintenant.

 

Mais, au-delà de l’aspect médiatique, de nombreuses autres initiatives ont émergé, mettant en avant cette imagination et cette créativité incroyables qui font les Congolais. Et, bien évidemment, au centre de cela : la musique. C’est ici qu’est né ce qu’on appelle la SAPE (Société ambianceurs des personnes élégantes) ou les sapeurs. Je ne parle pas des pompiers musclés qui font tout autant fantasmer que leurs tenues, mais de ce mouvement qui vise à se mettre en valeur au travers de costumes, d’un look, d’accessoires tout aussi excentriques que magiques et dont les nombreux codes échappent à beaucoup d’entre nous. Ils paradent dans les boîtes de nuit, dans d’autres occasions qui leur sont propres, tout en étant régulièrement considérés comme des parias par leurs congénères plus « traditionnels ».

 

La rumba congolaise est également et unanimement saluée par la critique. Les morceaux semblent ne jamais se terminer, et certaines références sont en lien direct avec ce qui fait danser dans les Caraïbes. Le déhanché associé est également inimitable : si l’on n’est pas né dedans, inutile de vouloir imiter. À cela s’ajoutent des initiatives totalement opposées, telles que des orchestres nationaux, interprétant brillamment et à l’aide d’instruments peu accordés (il n’existe pas d’accordeurs dignes de ce nom ici) des morceaux réconciliant Beethoven à Daft Punk, Mozart à la Rumba. Ici, artistiquement tout est possible avec trois fois rien. Les droits d’auteur n’existant pas, les artistes n’ont pour gagne-pain que d’inclure dans leurs chansons les noms et prénoms de nombreuses personnalités souhaitant se voir apparaître au milieu des notes, signe de prestige, de richesse et de paraître. Et c’est ainsi qu’en écoutant les chanteurs congolais, on entend de nombreux prénoms et noms faisant surface au milieu des refrains et des couplets. L’imagination n’a pas de limite, les réalisations non plus. Mais attention à ne pas devenir trop visible car, dans ce cas-là, il va falloir payer à tous ce qu’on ne gagne pas forcément.

 

Si, en France, on trouve décalé un petit vieux qui, dans un café, à 9 heures du matin, se délecte d’une glace, si cette image suscite des débats sur ce qu’il est bien de faire ou non dans notre cadre conventionnel, ici, tout est différent, tout est normal. Comme ce cow-boy en blouson de cuir de type Perfecto, qui arbore un chapeau noir et un jean tellement serré que ses attributs masculins semblent vouloir prendre l’air, qui marche avec ses lourdes bottes au milieu de nulle part dans la savane, et qui argue qu’il cherche à respirer « le bon oxygène ». Comme ces populations entières qui se déplacent sur le toit des voitures parce qu’à l’intérieur tout est pris pour les marchandises, la vie humaine coûtant moins cher. Comme ce club de roller kinois qui, au milieu des quelques rues asphaltées, cherche à promouvoir un sport en paradant au milieu des nids-de-poule pendant des kilomètres. Comme ces inspecteurs des impôts qui demandent à ceux qu’ils viennent contrôler de leur payer le taxi pour rentrer au bureau.

Ici, il n’est que 20 heures, on est loin de Kinshasa, dans un lieu endormi. Il existe seulement un petit bar qui, au prix de nombreux sacrifices, réussit à servir des boissons fraîches. Mais, non content de pouvoir désaltérer efficacement sa clientèle, son prestige est de connaître toutes les chansons de Nana Mouskouri et de laisser sa maigre radio chanter Nana tout au long de la nuit.

Là, ce policier qui estime que ta voiture pèse lourd et qu’il faut payer une amende pour usage abusif du bitume, ou encore ce serveur qui, s’apercevant qu’il n’a pas la commande que tu lui as passée, préfère ne rien dire et attendre que tu lui demandes ce qu’il en est.

 

Le Congo reste un pays si imparfait qu’il est difficile de ne pas s’y attacher, et il se (dé)construit d’une manière incompréhensible. Comme l’a très bien résumé un paysan croisé il y a quelque temps : « Petit à petit, mais pas tout à fait ».

 

Quelques photos ajoutées.

 

À très bientôt.

 

L’Abeille



18/10/2017
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