L'Abeille

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RDC – 20 décembre 2015 – D'est en ouest

Je le regarde avancer vers moi, lentement, ses poings serrés sur le sol, ses épaules se balançant au rythme de sa démarche nonchalante, un regard peu expressif, fixe, où seules des pupilles de feu apportent une touche de couleur sur un visage noir, sévère, le dos argenté. Il ne semble pas me prêter une attention particulière mais ses gestes démontrent qu’il me voit, qu’il sait que je suis là et que c’est à moi de faire attention car je suis chez lui.

 

Dans le parc du Vironga, à l’Est de la RDC, on peut s’inviter sur les terrains des gorilles des montagnes. Ces bêtes de 250 kilos, pas forcément immenses mais au ventre rond comme si la bière de la veille n’était jamais absorbée, vivent en famille au milieu des forêts, face à deux volcans encore en activité. Il est possible, moyennant quelques billets verts, de les rencontrer, de passer un peu de temps avec eux, chez eux, de les observer, les sentir et se dire que la différence entre eux et nous n’est pas forcément des plus évidentes.

 

Toutefois, en les voyant s’avancer vers soi, on comprend ce que le mot « humilité » veut dire. La force, mélangée à une certaine dose de placidité, m’ôte toute envie de vouloir lui chatouiller l’oreille ou lui mettre une petite « claque »  sur le crâne car, dans tous les cas, s’il lui prend l’envie de faire de même, il gagnera. Conclusion : quand il se déplace, on baisse les yeux, on se pousse et, s’il vient à nous marcher sur les pieds, on s’excuse… Des moments uniques avec une espèce qui, bien que semblant s’éteindre, arrive à survivre grâce au travail acharné de quelques passionnés et d’une population locale qui a pris conscience de la richesse de cohabiter avec ces imposants primates.

 

C’est également à quelques kilomètres de là que s’étend le lac Kivu, merveille géographique, aux eaux grise, séparant la RDC du Rwanda. Si le contexte n’était pas ce qu’il était, ce serait un lieu de villégiature des plus incroyables. La nature y est d’une beauté rare, les villes sont tournées vers les eaux, les graines y poussent sans qu’on ne fasse rien et les petites îles parsemant le lac appellent à la « farniente ». On pourrait se croire en vacances, dans cet environnement où l’altitude permet aux températures de rester fraîches tout au long de l’année, où les quelques pêcheurs essaient tant bien que mal de récupérer quelques poissons, gênés par des explosions de méthane enfermé dans la roche volcanique, sous la surface.

 

Cependant, là où les villes poussent, la végétation disparaît. Comme si l’espace n’existait pas, on construit des maisons en hauteur, serrées les unes contre les autres ; on coupe tout ce qui représente de l’espace inutilisé et pourrait être un obstacle à la construction d’une chambre ou deux supplémentaires ; et l’anarchie immobilière se développe, doucement mais sûrement, alors que les services de base que peuvent être l’électricité, les égouts ou l’eau courante n’arrivent pas à suivre, plongeant un peu plus les populations dans un état de vulnérabilité à toutes les épidémies et maladies qu’on peut facilement imaginer.

 

Revenons à un terrain de jeu plus familier qu’est la ville de Kinshasa. Ici, on ne plaisante pas avec le temps, surtout quand on s’appelle Joseph Kabila. Chaque déplacement est, d’une certaine manière, millimétré. Il ne s’agit pas de savoir s’il faut arriver à l’heure ou pas mais plutôt de passer le moins de temps sur la route. Une bonne escorte s’impose et cette dernière se juge sur sa capacité à se frayer un chemin dans cette autre jungle que sont les routes de Kinshasa. Et, là, on ne plaisante pas : les gyrophares illuminent le convoi, les sirènes hurlent et, surtout, la voiture de tête fait office de voiture bélier. À la différence des autres, elle n’est pas rutilante, l’âge et les chocs sont la mémoire des déplacements présidentiels, le principe étant simple pour ce véhicule, ouvrir la voix, quel qu’en soient les moyens.... Et ça marche. Les carrosseries des voitures gênant le passage, que ce soit à un carrefour, sur une avenue ou n’importe où ailleurs, ne résistent pas longtemps aux assauts de l’équipage de tête qui ne se pose aucune question. Tu es devant, je te pousse, et sans prendre de pincettes. Peu importe que ta voiture en ressorte froissée, dans un fossé ou au milieu de la voie d’en face, le convoi doit passer et ne pas s’arrêter. Si, toutefois, le chauffeur malheureux veut sortir de sa voiture et râler, les huit policiers, assis en rang d’oignons dans la benne du véhicule, kalachnikovs armées, dissuadent toute intention de contester.

 

Bref, d’une certaine manière la RDC continue d’étonner, par ses contrastes quotidiens où, finalement, tout autant que les Congolais, pour ne pas être frustré, il faut savoir sourire.

 

Quelques photos chargées, pour vous permettre de visualiser ce qui est ici écrit.

 

Bonnes fêtes, et je reviendrai prochainement avec Noël en RDC.

 

L’Abeille



20/12/2015
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