L'Abeille

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RDC - 24 Decembre 2017

Les fêtes de Noël sont ici synonymes de « trêve économique ». En d’autres termes, les agents de l’État sont censés ne pas demander d’argent à la population pour leur permettre d’offrir quelques présents à leurs proches. Cela se traduit principalement par une baisse significative de la présence des policiers le long des grands axes de Kinshasa et par la quasi-absence de quêteurs pour tous les services de l’État. Certes, il y a toujours quelques resquilleurs ici et là mais, bizarrement, cette règle semble à peu près respectée. Cependant, cela n’empêche en rien certains de chercher ailleurs les fonds dont ils ont besoin pour répondre à cette pression sociale qu’est « l’esprit de Noël » au Congo (et probablement ailleurs). C’est l’occasion, pour ceux qui ne vous ont donné aucune nouvelle depuis un an, de vous appeler en proposant de venir vous voir quelques minutes. Pour d’autres, c’est le bon moment pour enfreindre la loi (si tant est qu’elle existe), en dérobant ce qu’il est possible d’obtenir, aussi menu soit-il, aux risques parfois de conséquences plus importantes. Ou encore certains peuvent invoquer le remboursement de sommes qu’aucun ne saurait payer, entraînant alors le cercle vicieux décrit ci-dessus.

 

Alors que, bizarrement, cette mégalopole d’environ 12 millions de personnes se pare partiellement de quelques lumières, payées par des sociétés privées et aléatoirement alimentées par la Société nationale d’électricité, et que l’on voit ici et là quelques Pères Noël apparaître, on se demande si cet engouement commercial n’est finalement pas un fardeau social, tant les charges peuvent être lourdes et les bras pour les porter si fragiles.

 

En plus des commerçants, seules les églises semblent se frotter les mains. Les fidèles, dont le flot ne tarit jamais, sont encore plus généreux avec le peu qu’ils n’ont pas. Il y a plus de messes et, partout, il faut honorer ceux grâce à qui le salut et la richesse viendront, que ce soit le petit Jésus ou ses ministres spirituels. Et, comme dit l’adage, « plus on donne, plus on reçoit »…

 

Mais quittons un instant Kinshasa et l’esprit de Noël si propre à Monsieur Ebenezer Scrooge, pour nous rendre dans d’autres villes de la RDC et décrire quelques pratiques ou instants de vie qui, comme d’habitude, me laissent toujours perplexe…

 

À Kalemie, comme partout en RDC, il est obligatoire d’assurer son véhicule auprès de la Société nationale d’assurance (SONASS). Toutefois, cette dernière ne dispose pas de moyens permettant de savoir qui a payé ou non et qui doit renouveler sa prime. Elle demande donc à la police de l’aider dans cette tâche. Proposition « gagnante / gagnante », puisque les policiers pourront glaner de nombreux écus des amendes émises envers les contrevenants, et la SONASS verra ses caisses se renflouer. Mais, pour se faire, il faut être en mesure d’arrêter et de contrôler tous les véhicules. Rien de plus simple. Kalemie est une ville provinciale avec un seul axe principal. Il suffit donc de faire des barrages au milieu de la route et de contrôler tout le monde. Mais, bien évidemment, pour être sûr que personne ne s’échappe, on tend plusieurs barrages sur toute la longueur de la rue principale. Jusque-là, rien d’original, me direz-vous. Mais, au Congo, on ne fait jamais les choses à moitié. Et, en entendant la nécessite de faire appliquer la loi, les policiers se sont dépêché d’installer des planches hérissées de clous, de la largeur de l’avenue, afin de pouvoir contrôler le trafic. Et, lorsqu’un pauvre contrevenant précise qu’il adéjà dû payer aux trois barrages précédents, on lui répond sans ciller que sa contribution doit permettre de rembourser les policiers qui ont fabriqué ces « mécanismes ingénieux ».

 

Une ingénieure congolaise a inventé, il y a quelques années, un robot capable de réguler le trafic (cf. photo). Il s’agit plus ou moins d’un feu rouge mobile situe au centre des carrefours les plus importants. Si tout le monde se réjouit de cette invention et respecte plus ou moins cet imposant artifice, seuls les policiers les méprisent et démontent régulièrement certaines parties afin de pouvoir récupérer leur place au centre du carrefour, place stratégique pour « chercher de l’argent ». Le premier robot vient de s’exporter en dehors de Kinshasa et a pris fièrement sa place sur l’une des artères les plus fréquentées de Goma. Si l’on observe des policiers qui boudent et des voitures qui s’arrêtent quand le robot l’ordonne, les bouchons n’en sont pas moins résolus. En effet, toute la ville s’est donné rendez-vous à ce carrefour pour admirer le fonctionnement de ce nouvel habitant. Elle y passe des heures entières à regarder, à commenter. Un temple de brèves de comptoirs auxquelles s’ajoutent des regards effarés, effrayés et impressionnés. La révolution de la modernité n’est pas toujours là où l’on croit.

 

Sur ce, je vous souhaite de très belles fêtes.

 

L’Abeille



24/12/2017
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