L'Abeille

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RDC - 27 juillet - Kisangani

Il y a quelque temps, en grande pompe, le gouvernement congolais inaugurait sa nouvelle compagnie aérienne, Congo Airways, compagnie équipée d’avions modernes achetés d’occasion auprès d’une de ses consœurs européennes. L’ambition affichée est d’en faire une compagnie internationale, tout en faisant ses preuves au niveau national, en desservant autant que possible tout le continent, pardon, tout le territoire congolais.

 

Le terminal national de Kinshasa se veut terne mais non sans vie, là où les bâtiments vétustes s’animent de voix en tous genres, chaque personne tentant de se faire une place au soleil, soit en embarquant, soit en proposant quelques menus services en tout genre, en se faisant passer pour un agent officiel de quelque chose, le tout sous l’œil complaisant et parfois compatissant de quelques notables travaillant dans les lieux. Faute de travail, c’est un ingénieur ou un docteur en mécanique qui fouille les bagages superficiellement. Les portiques de sécurité ne fonctionnant pas, c’est celui qui a l’air le plus suspicieux qui sera fouillé. Les autres passent sans questions.

Après une certaine attente sur quelques vieux bancs en plastique, la speakerine nous fait l’honneur de nous appeler pour procéder à l’embarquement. Devant moi, deux jolies jeunes filles d’une dizaine d’années patientent derrière leur père. Élégamment habillées, elles se font héler par leur père au moment de passer le dernier contrôle. C’est ainsi que j’apprends qu’il est possible de s’appeler Gucci et Channel.

 

Quelques minutes après, le fringant Airbus décolle en direction de Kisangani. Ville située au juste milieu du continent africain, pour beaucoup, elle est LA plus belle ville congolaise.

Il est vrai que, dès qu’on pénètre dans la ville, un certain sentiment d’apaisement se fait sentir. De vieux bâtiments de l’époque coloniale se dressent ici et là. La grande mosquée, impressionnante et inattendue, est un point de repère et de rendez-vous, alors qu’un peu plus loin, de longs entrepôts vides et sans vie s’agglutinent sur le port, témoins d’une activité passée, où les bateaux reliant Kinshasa à Kisangani étaient légion. Stanley avait fait de ce bout du monde l’un de ses principaux points de repère lors de sa découverte du Congo, il y a maintenant près de 150 ans.

 

S’il n’est pas possible de continuer à naviguer au-delà de Kisangani, ce n’est que parce que les chutes de Wageya en ferment l’accès. Ces larges chutes sont impressionnantes par leur débit bien que la hauteur n’en soit que minime. Elles sont également célèbres pour leurs pêcheurs, qui n’hésitent pas à se jeter au milieu du courant, à se servir d’immenses nasses de bois incarcérées dans de longs bâtis de bois ou à jeter leurs filets dans un courant bien trop fort. Chacune des techniques apporte son lot de poissons en quantité, même si aucun ne se plaint de la diminution des ressources. Ce site se veut touristique et, dès qu’un étranger « se pointe », il est tout de suite assailli par une nuée d’autochtone cherchant à acquérir quelques dollars pour y changer un quotidien fait de trop peu.

En s’enfonçant dans la brousse, on croise des infrastructures inattendues. Au milieu de nulle part se dresse l’Institut national de recherche agronomique, dont les bâtiments construits par les Belges dès les années 1930 se fanent, bien que quelques tentatives bien trop locales permettent encore, ici et là, quelques plantations et recherches, mais ce ne sont que des résidus des 700 chercheurs qui fréquentaient ce lieu à son apogée, à la fin des « fifties ».

 

Et, comme d’habitude ici, plus on s’enfonce dans ce pays, plus on est séduit. Rien ne peut laisser indifférent. Les sourires et attentes de ces gens qui n’ont que trop peu, la beauté de ces paysages, fragmentés par un fleuve immense, où quelques bateaux surchargés d’hommes se font un chemin tant bien que mal entre les bancs de sable. En frôlant ces esquifs de bois et de mécaniques, on ne peut qu’imaginer qu’il s’agit là de minivilles où tout est possible. On s’y embarque sans connaître la date d’arrivée. On se nourrit de ce qu’on a apporté, de ce qu’on peut y commercer et on se laisse bercer par les vieux moteurs dont le nombre par embarcation ne se justifie que par le nombre de pannes attendues au cours de chaque navigation.

 

Bref, là encore, vous l’aurez compris, s’ouvrent des mondes qui ne demandent qu’à être vus et que seuls nos vies rendent invisibles.

 

Je ne saurais clore ces quelques lignes sans mentionner l’un de mes amis congolais qui résume son pays de la plus belle manière qu’il soit : « Le Congo est probablement le seul pays au monde où les poissons meurent de vieillesse et les hommes meurent de faim. »

 

Quelques photos ajoutées.

 

À très bientôt,

 

L’Abeille



04/09/2017
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