L'Abeille

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RDC - 30 mai 2017 - Kinshasa

Parlons aujourd’hui de quelques notions qui diffèrent d’un monde à l’autre. Ce que j’ai pu apprendre dans ma culture peut certes s’écrire de la même manière au Congo, mais le sens peut être très différent, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans les grandes communications. 

 

Ainsi, en ces périodes politiquement troubles, Joseph Kabila, président actuel, lance un « appel pathétique… pour la sauvegarde de la nation ». Mais n’utilisons-nous pas ce mot de manière péjorative dans notre hexagone bien aimé ? Ne dit-on pas « ce type est pathétique » ? Ou n’utilisons-nous pas ce doux mot comme un adjectif visant à souligner toute situation ou instant de vie pouvant « manquer de relief » ? Alors imaginez ma première impression en lisant, sur d’immenses affiches installées à travers tout Kinshasa, qu’il était temps de lancer un appel pathétique ! Et, pourtant, en se référant à la définition du Larousse, le mot pathétique se définit initialement comme « Qui émeut fortement, dont l’intensité dramatique provoque un sentiment de tristesse grave ». Qui a raison ? 

 

Il y a quelques mois est sorti de terre le premier immeuble intelligent de la RDC, immeuble autrement appelé hôtel du gouvernement. Cet hôtel du gouvernement vise avant tout à accueillir une majorité des ministres et services de l’État. En tapant, sur le premier moteur de recherche venu, « immeuble intelligent », on obtient une première définition regroupant des notions de connectivité et d’énergie positive. Ici, c’est bien évidemment légèrement différent Cet immeuble est donc qualifié d’intelligent en raison des éminentes matières grises travaillant au bon développement du feu « Zaïre ». Les nombreuses ampoules installées doivent consommer à elles seules la totalité de l’électricité disponible à Kinshasa, et la connectivité permet à chacun d’utiliser son téléphone mobile dans l’enceinte du bâtiment, mais il n’en reste pas moins que ce sont des hommes intelligents qui travaillent là, c’est donc un immeuble intelligent ! Et là, la définition ne provient pas de Google, mais de tous citoyens congolais à qui la question est posée. 

 

Sur des considérations plus humaines, on prend conscience que le repos est finalement un luxe que peuvent se permettre les sociétés ayant achevé certaines phases de leur développement. Il est rare de trouver un endroit l’on peut réellement se reposer. Le bruit est constant et, même si l’on désire s’isoler, il y aura toujours un vendeur de cacahuètes, de termites grillés ou un joueur de musique qui viendra rôder autour de vous afin de vous proposer ses services et ainsi essayer de glaner quelques francs indispensables à sa survie. Cela se ressent même quand on essaie de s’éloigner de la ville, pour passer quelques heures dans un hôtel perdu dans la savane congolaise. À vouloir trop bien faire, le personnel de l’hôtel n’hésite pas à venir toutes les demi-heures dans la chambre entre 18h et 20 h pour demander si quelque chose est nécessaire. Et, tant que la porte n’est pas ouverte, ils tambourinent autant que possible jusqu’à être sûrs qu’on réponde à leurs sollicitations. Pendant ce temps-là, un groupe de musique joue devant une foule inexistante et quelques rares gamins déambulent au milieu de fleurs en plastiques et de statues de Gnou en papier mâché. À 5h du matin, le même cirque recommence, les équipes hôtelières tenant à m’informer qu’ils viennent de mettre l’eau et que je peux donc prendre ma douche ; à 6h, pour m’informer que le petit-déjeuner est servi ; à 6h15, pour savoir s’ils doivent m’installer la table sur le fleuve ou dans la cour car l’orchestre va bientôt recommencer ; et à 6h30, pour savoir si je veux qu’ils lavent ma voiture… Et le pire c’est que c’est fait avec tellement d’innocence et de volonté de bien faire qu’il est impossible de s’énerver. 

 

Dernier point du jour quant à l’étonnante capacité des cultures à communiquer sans pour autant parler la même langue. Les Chinois ne font pas qu’avaler les sols congolais. Certains d’entre eux tentent d’autres expériences en ouvrant notamment des restaurants chinois. Les produits et les équipements viennent de Chine ; c’est presque une obligation. Toutefois, il faut bien recruter des serveurs locaux ; et c’est là que les complications arrivent. Les serveurs, pour ces établissements ne payant que trop peu leurs salariés, parlent rarement un « bon français » (car oui, pour parler français, il faut avoir été un minimum à l’école, et c’est là encore une réalité que trop peu existante). De toute façon, cela n’a aucune importance puisque les Chinois ne parlent pas français non plus, pas plus qu’ils ne parlent Lingala. Les menus comportent certes des numéros, mais les serveurs ne savent pas toujours les interpréter, et les photos, certes éloquentes, ne trouvent pas forcément d’explications gestuelles. Et, bien qu’au final on puisse avoir ce qu’on veut, aller dîner au restaurant ressemble finalement presque plus à une pièce de théâtre entre des cuisiniers, des serveurs et des patrons qui tentent de se comprendre qu’à un moment « à partager ». 

 

À bientôt, 

 

L’Abeille



30/05/2017
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