L'Abeille

L'Abeille

RDC – 5 – 3 mars 2008

Bonjour à tous,

 

Pour commencer, je voulais juste faire un petit point sur les grands prénoms qui peuplent le Congo. On y trouve en quantité les vieux prénoms de la langue française : Marcel, Robert, Arsène, Claudine… Mais, sans avoir besoin de trop fouiller, on trouve également des Jenovic (Jésus Notre Victoire), Dimerciad (Dis Merci à Dieu), Fiston, JeanDedieu. Et, certains sont nés avec des prénoms prédestinés. C'est le cas d'un de notre gardien qui, du haut de ses 1,65 mètres et 40 kilos tout mouillé, s'appelle Féroce, ou de notre informaticien qui s'appelle Minitel. Et on peut en trouver comme ça toute la journée... De mon côté, c'est pas mieux car de plus en plus de congolais m'appellent Gnouki (Abeille en swahili).

 

Il faut également apprendre à côtoyer la sorcellerie tous les jours, même avec les personnes les plus éduquées. Il y a quelques jours, je vois arriver mon administrateur épuisé, les traits tirés et les yeux rouges. Je lui demande ce qui se passe et celui-ci me répond qu'avec sa femme ils n'ont pas fermé l'œil de la nuit. Pourquoi ? Car un sorcier a rodé toute la nuit dans la maison déguisé en rat et qu'il fallait surveiller les billets verts – il y a deux monnaies officielles au Congo, le franc congolais et les dollars (billets verts) –, car les sorciers ne touchent qu'aux dollars. Il a passé toute la nuit éveillé, avec ses billets dans la main, à surveiller le rat qui faisait tranquillement des allées et venues (sûrement pour chercher les sous), et a attendre le petit matin qu'il s'en aille (car, ici, on ne chasse pas les sorciers). Autre « incident » mais cette fois-ci avec deux manutentionnaires, dont l'un d’eux a cassé du matériel. Je les fais venir pour savoir qui a cassé et, après une demi-heure (montre en main) d'explications où je n'ai rien compris, un troisième vient me voir devant les autres et me dit qu'il connaît un très bon sorcier qui pourra me dire qui est le coupable... Je vois alors les deux manuts devenir blancs comme neige, et le coupable se désigner immédiatement. J'ai compris le truc et, dès que j'ai un doute, je leur dit que je vais faire venir le sorcier s'ils ne me disent pas tout ; et ça marche...

 

Pour les restaurants, c'est régulièrement des grands moments de bonheur... La première question à poser en regardant la carte est « Qu'est ce qu'il n'y a pas ? », car on peut raisonnablement estimer que seulement un dixième de la carte est disponible. Vient ensuite le service : les serveurs (quand il y en a) disent oui à tout et nous oublient tout le temps, les clients qui sont en train de dîner se retrouvent embauchés comme serveur pour un service complet, les plats que vous mangez sont rarement ceux que vous avez commandés et idem au niveau des boissons. Je me suis retrouvé plus d'une fois la tête dans le frigo des restaurants pour savoir ce qu'il y avait... Et, surtout, il faut être patient : en moyenne, comptez deux heures par repas avec un seul plat et une boisson.

 

La logistique n'est pas non plus le point fort du pays, tant au niveau des intervenants étatiques que des particuliers. Récemment, je devais envoyer une personne à Nairobi (Kenya). L'avion qui venait de Kinshasa a décidé, alors que ce n'était pas prévu, de faire une escale en plein cœur du pays, où il a pris tout ce qu'il pouvait en passagers et a « oublié » de se poser à Lubumbashi. Après une heure d'appel via la tour de contrôle, celui-ci a finalement fait demi-tour, s'est posé à Lubum et le pilote est sorti en disant que son avion était complet, car il l'avait complètement rempli sur l'escale non prévue, et qu'il repartait sans prendre un seul passager. On était 200 sur le tarmac + valises + fret à avoir vu passer un avion cinq minutes pour nous dire qu'il était complet et que le prochain avion passerait dans trois jours. Et il s'agissait d'une compagnie internationale... Parfois faut pas chercher à comprendre.

 

Pour ce qui est du train, ce n'est pas mieux. Il faut entre quatre jours et quatre semaines pour faire 800 kilomètres. Il arrive régulièrement que la locomotive s'arrête en pleine brousse, décroche les wagons et parte toute seule pour ne revenir que deux semaines plus tard. Et personne ne sait où elle va pendant tout ce temps-là. Et, comme il n'y a que quatre locomotives pour tout le Katanga (grand comme une fois et demie la France), on est sûr de ne pas voir arriver une « dépanneuse ».  Remarquez les occidentaux présents sur place ne sont pas forcément mieux. On vient d'assister à une cérémonie des plus remarquables. Un organisme de l'ONU a fait une grosse fête car ils avaient retapé une vingtaine de wagons. On a fait venir toutes les personnalités de la région, dont le gouverneur, des dizaines d'autres officielles et toute la clique. On se félicite, on serre des mains, on s'embrasse... Au moment de livrer le premier wagon, on le sort de l'entrepôt pour le mettre sur les rails congolaises, et ça ne passe pas : l'écart entre les voies de l'entrepôt et celles du Congo n'étaient pas les mêmes...

 

Grand moment samedi dernier, où j'ai découvert la vrai notion de vente mobile... Une camionnette qui vendait des barils de 20 kilos de lessive Le Coq à 5 000 FC (soit 10 $), un prix défiant tout concurrence, ne pouvait pas s'arrêter sous peine de ne pas repartir (d'après ce que j'ai compris). J'ai donc vu une camionnette roulant dans les rues au ralenti, diffusant de la musique et les commentaires de l'animateur par l'intermédiaire de deux enceintes posées sur le toit, et suivi par une cinquantaine de ménagères (de moins de 50 ans) qui achetaient leur barils en courant derrière la camionnette qui ne s’arrêtait jamais.

 

En termes d'infrastructure, le pays ne dispose de rien : pas de routes, que des pistes qui, en saison des pluies, sont peu ou pas praticables, pas de lignes de téléphone fixe, pas de postes... Il faut compter une moyenne de 20 km/h dès qu'on décide de bouger vers une autre ville. Pour rallier Kinshasa à Lubumbashi, il faut trois semaines et, le pire, c'est que les pistes sont bourrées. Les habitants ne pouvant prendre l'avion, certains font même la route à pied.

 

Mais le Congo, et ses habitants, est un pays hyper attachant, malgré le fait que les perspectives d'évolutions ne sont pas bonnes. Celui-ci fait parti des pays les moins biens partis avec la Somalie et l'Irak.

 

À très bientôt tout le monde,

 

L'Abeille



03/03/2008
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