L'Abeille

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RDC - 5 mai 2018 - Kinshasa

Tout travail mérite salaire : c’est la base de notre modèle économique. Cependant, quand il est possible d’en toucher un, la manière de le récupérer peut varier suivant un nombre de paramètres infini. Pour moi, les choses sont simples : à la fin du mois, je regarde via une application spécifique l’état de mon compte bancaire, et constate une certaine évolution sur le « montant disponible » (ou pas, suivant mes folies du mois précédent). Mais, pour un instituteur enseignant au fond de la campagne congolaise, les choses sont un peu plus corsées.

Quand on parle de paramètres, en voici certains qu’il faut donc appréhender. La majorité des villages sont loin des principales « routes », il n’y a pas d’électricité et encore moins de banques. Il faut donc se rendre au chef-lieu « du coin », un jour donné, pour intercepter ceux officiellement chargés de payer les salaires. Jusqu’ici tout va bien (ou presque). Mais il faut s’y déplacer. Parfois, il y a plus de 150 km. Comme il n’y a pas de route, il faut utiliser ses pieds car le salaire d’enseignant ne permet pas de s’acheter un vélo. 150 km à pied, ça fait environ 5 jours de marche. Ensuite, il faut arriver le bon jour, car les payeurs n’attendent pas. Et, en cas de retard, il faut alors aller à la capitale, ce qui engendre des coûts supplémentaires car, cette fois-ci, route il y a, donc bus payer il faudra. Et, une fois le maigre salaire empoché, il va falloir penser au retour. Pendant ce temps-là, personne ne s’occupe des enfants, ni ne leur enseigne les bases pour ce qui les préparera à un avenir, certes incertain.

 

Un nouveau lieu vient d’ouvrir sur les bords d’un des affluents du fleuve Congo. Un professeur d’université, dirigeant la plus grande société congolaise d’audit indépendant, a eu la bonne idée d’acheter un immense terrain au bord de la rivière N’sele et de le transformer en formidable parc de loisirs, où il fait bon y passer son samedi ou son dimanche. Comme il est éloigné de Kinshasa de quelques dizaines de kilomètres, il faut payer un droit d’entrée qui « de facto » limite l’accès à une classe aisée. À l’intérieur, un immense bassin artificiel accueille des pédalos en forme de cygnes ou de canards. Un peu plus loin, en empruntant un chemin de pavés multicolores, tout en zigzaguant au milieu de palmiers faits de plastique, on débouche sur une immense plage engorgée de parasols, de bouteilles en plastique, de serveurs en nœud papillon et de différentes nationalités.

D’un côté, les Congolais. Un nombre infini de bouteilles de bière décorent les tables, tandis que des assiettes de poulets et frites se disputent le peu d’espace qu’il reste. Un DJ diffuse de la rumba bien que personne ne semble l’écouter. Le bruit de la musique empêche toute discussion mais peu importe. Les enfants courent, les parents y jettent un regard distrait mais bienveillant, alors que les ados s’essaient à des parades ou selfies visant à impressionner le sexe opposé.

Un peu plus loin, un groupe d’Indiens est arrivé en bus. Ils débarquent avec leurs tables, leurs chaises, leur nourriture et leur DJ, qui, d’une certaine manière, s’oppose à son homologue congolais. C’est un peu à celui qui mettra le plus fort. Rapidement, les hommes se mettent en marcel et vont traîner leurs orteils dans l’eau. Les femmes, habillées de leur sari, s’aventurent un peu plus loin avec les enfants dans les bras pour y partager quelques joies aquatiques. Rapidement, les milles couleurs de leur vêtement sont ternis par l’eau, mais on a l’impression que la rivière se pare d’une mosaïque humaine qu’on ne se lasse pas de regarder.

Mais ce n’est pas tout : un dernier groupe se distingue. S’il n’est possible de deviner leur nationalité, ce n’est pas un grand risque que de dire qu’ils viennent du Moyen Orient. Les femmes conservent leur niqab et les hommes une certaine dignité qui confère au groupe une certaine distance.

Et le plus surprenant est la cohabitation complète entre tous. Si proches et pourtant si distants, tous ont en commun la peur de l’eau, mais le plaisir de la sentir, la joie de revêtir un gilet de sauvetage orange, afin d’aller faire un tour sur la barquette du centre, ou de s’aventurer en jet-ski même si l’on ne sait pas nager. Un lieu étonnant qui semble rassembler tout le monde le temps d’un après-midi à la plage.

 

À bientôt,

 

L’Abeille



05/05/2018
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