L'Abeille

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Libye – 8 février 2012 – Tripoli

Revenons à nos « Africo-libyens » (cf. article précédent). Comme toute communauté, il est important de garder, quelque soit le pays où l'on se trouve, des repères de sa société. Et, en Libye, c'est par la religion que s'exprime cet attachement (environ deux millions d'Africains vivaient ici avant la fin du régime et beaucoup ont fui depuis).

 

Fait de « bric et de broc », dans un bâtiment peu conventionnel (en comparaison des supposés standards du Vatican) se dresse dans Tripoli une église répondant au nom d'Union Church. Le vendredi, jour férié en Libye, s'y retrouve toute l'Afrique catholique sub-saharienne. On y croise le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Congo, Madagascar... Mélange haut en couleur pour un service qui se fait en français et en anglais.

 

À l'entrée, on commence à avoir une petite idée de ce qu'on va trouver à l'intérieur. Des cowboys aux chapeaux de carton et santiags en plastique marron côtoient des costumes cravates à l'effigie de Kabila (président du Congo), les boubous traditionnels s'affichent aux côtés de robes inspirées de la collection de La Redoute des années 1980, collection Madonna. Bref, un dédale de mélanges et de couleurs qui ne peut que faire sourire.

 

Quand on pénètre dans le saint lieu, des « chemises jaunes » font la circulation et essaient d'asseoir les participants. Il faut bien faire rentrer 300 personnes dans un lieu capable d'en contenir 80. Les chaises sont partagées et il n'est pas rare pendant le service d'en entendre une ou deux se casser, provoquant une hilarité générale. De toute façon, on ne s'entend pas parler et il règne un bruit ambiant intense, rendant impossible l'écoute des vêpres. Chacun se raconte sa semaine, ce qu'il a fait, ses petits soucis du quotidien, pendant que prêtres et traducteurs s'époumonent. Quelques écrans vidéo diffusent des images expliquant le sermon et, de temps en temps, on sort de derrière quelques rangs des mariés (véridique), ce qui ne manque pas de déclencher sifflets et hurlements au moment d'embrasser la mariée. On s'assied et se relève environ 40 fois en moins de 30 minutes (sachant que la messe dure environ 4 h) et on danse, on lève les bras très haut (ce qui assure une certaine proximité avec les aisselles de son voisin au regard de la place disponible), on est en transe en parlant et hurlant tout seul dans son coin et on écoute l'orchestre compose d'un synthé, une basse et une batterie, où les musiciens, vêtus de paillettes et d'or, diffusent une musique « d'ambiance » des plus fortes.

 

Quelques moments de panique, quand il s'agit d'assoir sur une demi-chaise une mama de 150 kilos, bloquant tout la rangée concernée, chacun étant compressé les uns sur les autres, ce qui rend impossible le moindre mouvement, au risque de perdre sa place et de se faire expulser de sa maigre planche de bois. Quelques conseils en fin de service du prêtre demandant à ce qu’on récupère ses vieux chewing-gums, ou qu’on n’oublie pas ses chaussures ou ses chemises (?) car, la semaine dernière, « il y en avait beaucoup trop », et le service s'achève.

 

Certains n'ont pas enlevé leurs écouteurs d'Ipod de la matinée, d'autres n'ont cessé de parler et de rire avec leurs voisins, et les mariés essaient tant bien que mal de se frayer un passage jusque dans la salle des fêtes (au rez-de-chaussée de l'église) pour ouvrir la cérémonie du déjeuner. Encore quelques batailles en perspectives (que le prêtre a vivement recommandé d'éviter) mais, dans ce joyeux bazar, tout le monde attend le service de la semaine suivante afin de retrouver cette ambiance unique et festive où, finalement, le retour aux sources et à son pays est une des principales motivations, n'empêchant nullement une fervente et sincère dévotion.

 

Quelques photos seront ajoutées dans les prochains jours.

 

L'Abeille



08/02/2012
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