L'Abeille

Pas de guirlande lumineuse installée dans les rues, point de décoration publique : la Libye est avant tout un pays islamique. On trouve cependant des guirlandes de Noël dans les étalages, de magnifiques sapins en plastique chinois qui, une fois branchés, tournent sur eux-mêmes pendant quelques heures avant de mourir dans ce qui doit être un des rares feux de forêts libyen, le mécanisme ne supportant pas d'être connecté « aussi longtemps ». Et toutes ces marchandises alléchantes n'ont pour intérêt que de fêter le nouvel an. Car, ici, ce n'est pas le calendrier islamique qui s'applique mais le calendrier romain. Dans quelques jours, les sodas couleront à flot dans les foyers, ainsi que, probablement, ce qu’on appelle la Borra (alcool local bien sûr interdit, fait à base de dattier). Car l'alcool est, ici, un sujet tabou. Importation et consommation sont interdites, ce qui n'empêche pas de trouver quelques marchés noirs où les bouteilles d'alcool (contrairement à l'essence) sont vendues au prix fort (55 euros pour une bouteille de vodka).

On pourrait se demander comment se distrait le Libyen... Pas d'alcool, pas de « bars » (suivant notre notion) et, bien que l'Ouest de la Libye ne soit pas ultra conservateur, pas ou peu d'endroits mixtes. On trouve les Libyens passant leur journée (quand ils ne travaillent pas) attablés dans des salons de thé, à fumer des chichas, à regarder la télé, ou à faire des tours dans leur voiture, ce qui crée le soir des embouteillages monstres. Bien sûr, on ne parle pas des innombrables visites de familles et d'amis qui remplissent une part importante du quotidien. Mais, dès qu'il s'agit de passer aux choses sérieuses (filles, alcool et boîtes), direction la Tunisie ou l'Égypte. La langue est la même (plus ou moins), le niveau de vie « similaire » et l'on peut se lâcher sans problème. Quand aux Libyennes, elles restent à la maison et attendent sagement le retour des hommes.

Pourtant, héritage de l'ancien régime, les femmes ne sont pas cloisonnées (sur Tripoli en tout cas, n'étant pas encore au fait des us et coutumes des autres régions), il n'est pas rare de les voir conduire, marcher seule ou discuter avec des hommes (qui ne sont pas de leur famille) dans la rue. Bien que la majorité arbore le foulard, on peut en apercevoir certaines qui s'en passent. Quelques « cafés » sont plus ou moins mixtes et l'on peut apercevoir, dans les jeunes générations, des groupes assez proches des deux sexes, et ce, sans aucun sous-entendu. Les tenues vestimentaires sont éclectiques, passant de l'ultra traditionnel à « l'ultra sexy », sans pour autant qu'un bout de peau, autre que le visage ou les mains, ne soit visible. L'art de suggérer sans divulguer.

Petit aparté sur le rythme de vie des Libyens, assez déroutant. Ici, on se lève tard, très tard. Il est rare d'avoir de la circulation avant 10 h 30 le matin. Une sieste en général s'impose et le commerce ne reprend que bien plus tard, aux alentours de 16 h, pour se terminer vers 21 h. La majorité des petites tâches est confiée à des travailleurs africains, le Libyen préférant diriger, ce qui n'est pas (aujourd'hui) sans créer de problèmes. Beaucoup de petites mains d'œuvre ont fuit le pays pendant le conflit, empêchant aujourd'hui une reconstruction à grande échelle (pour le moment). Il ne faut cependant pas cacher qu'il y a une réelle volonté de faire les choses par soi-même, d'apprendre, de réapprendre. Inch'Allah !!!! Point intéressant : sous Kadhafi, la Libye avait autant d'attrait pour les travailleurs africains que le monde occidental peut en avoir, sauf que, là, tout pouvait se faire sans visa.

Pour terminer sur une jolie note, aujourd'hui, 24 décembre, la Libye fête son indépendance (de la tutelle italienne) et cette fête n'a pas été fêtée depuis 42 ans... Toute un passé qui refait doucement surface.

Bonnes fêtes à tous,

L'Abeille